Avant que le Parquet national financier n’ouvre une enquête à l’encontre de Mme Royal, l’ambassadrice en charge des pôles a faussement cité Voltaire sur fond de polémique autour d’un courrier gouvernemental qu’elle avait relayé la veille concernant sa possible suspension. Plusieurs recherches attestent que la formule en question n’a jamais existé.
Au lendemain de son annonce sur Facebook sur sa possible destitution de ses fonctions d’ambassadrice en charge des pôles, Ségolène Royal a cité une phrase qu’elle a attribuée à Voltaire pour riposter sur Twitter à une publication du Parisien consacrée à la passe d’armes entre l’ex-ministre et le gouvernement qui l’aurait mise en demeure de se taire suite à ses prises de paroles.
«Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire», a-t-elle écrit, faisant une faute d’orthographe dans la phrase qui précède la citation: «L’esprit voltairien ne nous manque t’il pas?», alors que son écriture correcte est «ne nous manque-t-il pas».
L’esprit voltairien ne nous manque t’il pas ? < Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire > VOLTAIRE https://t.co/0oaZ2T89bX
— Ségolène Royal (@RoyalSegolene) January 15, 2020
L’authenticité de cette devise devenue célèbre a déjà été démentie à maintes reprises. Et son origine a été expliquée par l’écrivaine britannique Evelyn Beatrice Hall qui a rédigé un ouvrage consacré au philosophe des Lumières publié en 1906 et intitulé «The Friends of Voltaire».
Sous le pseudonyme S. G. Tallentyre, elle lui attribuait la phrase formulée en anglais: «I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it». Plus tard, l’écrivaine avouait avoir utilisé sa propre expression qui «n’aurait pas dû être mise entre guillemets», annonce dans un documentaire de la TSR Charles Wirz, conservateur du musée Voltaire de Genève.
La confusion autour de cette phrase règne depuis des années. François Couchepin, chancelier de la Confédération suisse, a également eu recours à la formule pendant une intervention.
Une autre source pourrait également expliquer l’apparition de cette citation. Certains se réfèrent à une missive écrite par Voltaire et adressée à l’abbé Le Riche en 1770: «Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire». Ainsi, il pourrait s’agir d’un apocryphe. Cependant, même si l’existence de la lettre a été confirmée, cette phrase n’y figure pas, selon le site Projet Voltaire.
Quelques heures après la publication du tweet de Ségolène Royal, le Parquet national financier a annoncé avoir ouvert une enquête préliminaire à son encontre, soupçonnée d’avoir détourné les moyens accordés à sa mission en tant qu’ambassadrice des pôles. La veille, l’ancienne ministre s’est dite suspendue de ses fonctions pour ses «récentes prises de paroles publiques» visant l’exécutif, présentant une lettre qui aurait été envoyé par le gouvernement.