Le président iranien Hassan Rohani a affirmé vendredi vouloir éviter la guerre après que Téhéran et Washington ont paru à deux doigts de l’affrontement militaire direct début janvier, pour la deuxième fois en moins d’un an.
A l’approche des législatives du 21 février, annoncées comme difficiles pour le camp modéré de M. Rohani, et dans un contexte de tensions croissantes entre Téhéran et les Occidentaux sur le programme nucléaire iranien, M. Rohani a déclaré également vouloir continuer de dialoguer avec le monde sur cette question.
« Le gouvernement travaille quotidiennement à empêcher un affrontement militaire ou la guerre », a-t-il dit dans un discours à la banque centrale.
Le 8 janvier, Téhéran a attaqué des cibles militaires américaines en Irak en représailles à l’élimination par Washington du général iranien Qassem Soleimani cinq jours plus tôt à Bagdad.
Selon M. Rohani, avec ces frappes ayant fait d’importants dégâts matériels, mais aucune victime selon les Etats-Unis, l’Iran a obtenu « la compensation militaire » voulue pour la mort de Soleimani, l’architecte de sa stratégie régionale.
Meilleure gouvernance
La tension entre les deux ennemis semble être retombée à la suite du drame du Boeing de Ukraine International Airlines (UIA), que l’Iran a abattu par erreur quelques heures après ces tirs de missiles, alors que la défense du pays était en alerte « guerre » par crainte d’une riposte américaine.
La tragédie a fait 176 morts, majoritairement Iraniens et Canadiens. Téhéran a présenté des excuses mais affirmé que le drame résultait de l' »aventurisme américain ».
Ottawa a reproché à la politique de M. Trump d’avoir contribué à l’escalade des tensions ayant mené au drame.
En juin 2019, déjà, les Etats-Unis et la République islamique avaient paru au bord de l’affrontement militaire direct après que Téhéran eut abattu un drone américain accusé d’avoir violé son espace aérien.
M. Trump avait alors affirmé avoir annulé des frappes de représailles à la dernière minute.
L’animosité entre Washington et Téhéran va grandissant depuis que la Maison Blanche a dénoncé en 2018 l’accord sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015, et rétabli des sanctions économiques contre Téhéran.
En Iran, le catastrophe aérienne a suscité l’indignation. M. Rohani a reconnu implicitement l’existence d’une crise de confiance envers les autorités.
De samedi à mercredi, des rassemblements antipouvoir ont eu lieu chaque jour.
Les forces de sécurité ont été déployées jeudi soir dans la capitale pour faire face à d’éventuelles nouvelles manifestations. Selon un journaliste de l’AFP sur place, quelque 50 membres de la police anti-émeutes, à moto et armés de matraque, ont été postés à un carrefour majeur dans le nord de Téhéran.
Concentrées surtout dans la capitale, les manifestations des derniers jours sont apparues d’une ampleur nettement inférieure à la vague de contestation nationale de novembre contre la hausse du prix de l’essence, matée au prix d’une répression ayant fait au moins 300 morts, selon Amnesty International.
Tentant apparemment de reprendre la main sur le plan politique, M. Rohani a plaidé mercredi pour une meilleure gouvernance et davantage de pluralisme.
Jeudi, il a défendu sa politique d’ouverture internationale, sous le feu constant des critiques des ultraconservateurs, particulièrement virulents contre l’accord de Vienne.
« Bien sûr, c’est difficile », a-t-il reconnu, mais « les gens nous ont élu (pour) faire baisser la tension et l’animosité » entre la République islamique et le monde.
M. Rohani a tenu ces propos à la veille d’un discours attendu du guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, qui doit présider vendredi à Téhéran la grande prière hebdomadaire musulmane pour la première fois depuis 2012.
« Tyran de cour de récréation »
M. Khamenei répète régulièrement que les Occidentaux ne sont pas dignes de confiance et a interdit tout dialogue avec le gouvernement Trump.
En riposte au retrait américain de ce pacte, l’Iran s’est affranchi depuis mai de plusieurs points clef de ce texte qui limitait drastiquement ses activités nucléaires.
Berlin, Londres et Paris, les trois capitales européennes parties à l’accord, ont annoncé mardi avoir déclenché le mécanisme de règlement des différends (MRD) prévu par ce texte afin, selon elles, de contraindre Téhéran à revenir au respect de tous ses engagements.
Mais Berlin a confirmé jeudi une information du Washington Post selon laquelle les Etats-Unis avaient secrètement menacé d’imposer des taxes de 25 % sur les automobiles européennes pour les forcer à activer le MRD.
Le ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif a accusé les Européens d’avoir cédé au chantage d’un Trump, « tyran de cour de récréation ».
Selon l’Union européenne, M. Zarif a rencontré jeudi à New Delhi le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, qui a pressé l’Iran de « préserver » l’accord de Vienne.