Après six semaines de conflit, les syndicats opposés à la réforme des retraites organisent jeudi une nouvelle journée de manifestations, un test pour la suite du mouvement qui tente de s’élargir au-delà des transports où la grève s’essouffle, en attendant un nouveau rendez-vous dans la rue le 24 janvier.
Pour la sixième fois depuis le 5 décembre, l’intersyndicale (CGT, FO, Solidaires, FSU, CFE-CGC et trois organisations de jeunesse) appelle à « une journée de mobilisation interprofessionnelle massive de grèves et de manifestations ». Des cortèges défileront dans toute la France, avec en point d’orgue celui dans l’après-midi entre Montparnasse et Place d’Italie à Paris.
L’enjeu pour ces syndicats est de retrouver une mobilisation conséquente après une journée d’actions locales mardi peu suivie et des journées nationales en recul: le 11, la police avait dénombré 149.000 manifestants après 452.000 le 9 janvier et 805.000 au premier jour le 5 décembre.
Dans les transports publics, fers de lance d’une mobilisation qui aurait coûté plus d’un milliard d’euros à la SNCF et la RATP, selon Matignon, la situation s’améliore petit à petit.
« Le réseau est accessible en grand, il n’y a aucune alerte pour nous ce matin et les mobilisations de l’après-midi n’auront pas d’impact sur le plan de transport », a assuré à l’AFP un porte-parole de la SNCF en indiquant que le trafic est « normal » pour les Ouigo, « quasi normal » pour les TGV. Sur les dessertes locales, 8 TER sur 10 roulent ainsi que trois Transilien sur quatre.
A la RATP, la situation s’améliore plus lentement, avec l’intégralité des lignes ouvertes mais toujours de manière très discontinue.
Sur les routes franciliennes, le trafic reste dense avec près de 370 km de bouchons jeudi avant 08H00 selon le baromètre Sytadin, mais cela n’a plus rien à voir avec les journées noires de décembre.
Les cortèges devraient compter une nouvelle fois beaucoup d’enseignants en dépit de l’ouverture lundi des négociations qui doivent déboucher sur une loi de programmation de revalorisations salariales.
Pour relancer le mouvement, la CGT a aussi lancé dans la bataille les dockers avec une opération « ports morts » dans les sept grands ports maritimes français, qui devrait se poursuivre la semaine prochaine.
De leur côté, les avocats ont obtenu mercredi du gouvernement le maintien d' »une caisse propre à leur profession », mais cet aménagement ne satisfait pas le Conseil national des barreaux.
« Il nous manque un acteur important: les éboueurs, reconnaissait toutefois il y a quelques jours un syndicaliste. Si les éboueurs étaient en grève et les stations-service à sec ça changerait la donne ».
Si la mobilisation baisse, elle reste en tout cas soutenue majoritairement par l’opinion publique, selon des sondages.
L’exécutif a pourtant répondu à la demande des syndicats réformistes (CFDT, Unsa et CFTC) en acceptant de supprimer l’instauration progressive dès 2022 d’un âge pivot assorti d’un bonus-malus. Une « conférence de financement » sera chargée d’ici fin avril de trouver les moyens de garantir l’équilibre financier en 2027.
Ce compromis est un « leurre » pour les syndicats opposé à la réforme qui sont passablement irrités d’être ignorés par le gouvernement et agitent le risque d’une « radicalisation » de leur base.
« Contrairement à ce vous prétendez, la stratégie du gouvernement, sa conception du dialogue et de l’écoute ne sont pas de nature à apaiser le niveau de mécontentement », a écrit cette semaine au Premier ministre le numéro un de la CGT, Philippe Martinez.
Les relations se crispent également entre syndicats. Du fait des règles de représentativité retenues par le gouvernement, Solidaires et FSU dénoncent le fait qu’ils ne pourront participer à la conférence du financement contrairement à l’Unsa, favorable à la réforme. De son côté, Laurent Escure (Unsa) a accusé « la CGT et FO d’avoir amené un certain nombre de salariés dans le mur » en les entraînant « vers une revendication qui est presque certaine de ne pas trouver de débouché ».
Dans ce contexte, l’intersyndicale a annoncé de nouvelles mobilisations les 22, 23 et surtout 24 janvier, avec donc une 7e journée d’action nationale le jour de l’examen du projet de loi sur les retraites en Conseil des ministres.