Mis en examen pour «prise illégale d’intérêts», le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand s’est impliqué personnellement en 2011 dans la location d’un appartement acquis par sa compagne pour les Mutuelles de Bretagne, dont il était le directeur, révèle Le Monde, qui a eu accès à l’enquête.
Richard Ferrand n’a pas encore levé le doute sur le cas de conflit d’intérêts qui lui est reproché dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne. L’enquête de trois juges lillois, menée depuis près d’un an et révélée par Le Monde vendredi 17 janvier, confirme en effet qu’il s’est impliqué personnellement dans l’acquisition d’un bien immobilier pour les Mutuelles, alors que celui-ci appartenait à sa compagne, Sandrine Doucen.
De plus, Richard Ferrand se trouve à l’origine de l’achat de cet appartement de 600.000 euros à Brest. Il l’avait visité, en tant que directeur des Mutuelles, en automne 2010, alors que son conseil d’administration n’avait pas encore validé le choix des nouveaux locaux. Il s’est ensuite rendu chez le notaire le 23 décembre pour signer le compromis de vente au nom de sa compagne.
Quatre administrateurs présents au conseil au moment des faits ont témoigné que l’identité de la propriétaire des lieux, et le fait qu’elle soit sa compagne, n’avait été transmis qu’oralement et ne figurait pas sur les registres sociaux. Les huit autres ne s’en souviennent pas.
Pour ne pas lier l’opération aux Mutuelles de Bretagne, une SCI (Société Civile Immobilière) avait été créée en février 2011, et c’est ce nom qui apparaît dans le contrat de bail. L’achat a été finalisé en juillet de cette même année, le même jour que la signature du contrat de location des appartements. Un autre point douteux sur lequel les juges ont interrogé M. Ferrand.
«Les deux opérations n’ont rien à voir l’une avec l’autre», a-t-il affirmé. «D’un côté, il y a ma compagne qui veut faire un investissement […]. De l’autre, les Mutuelles de Bretagne recherchent des locaux en vue d’agrandir compte tenu des besoins liés à l’accroissement d’activité», s’est-il justifié.
C’est pourtant Richard Ferrand qui s’est rendu en personne pour négocier un prêt avec le Crédit agricole, en janvier 2011, indique Le Monde. Les juges ont d’ailleurs rappelé que «Mme Doucen n’est jamais intervenue dans la préparation et la constitution de ce dossier de prêt sauf pour la signature de l’ouverture du compte».
Enfin, il y a la déclaration du banquier de l’époque, qui a affirmé que l’ex-directeur du réseau mutualiste lui avait bel et bien fait part de son intention de faire louer ce bien aux Mutuelles de Bretagne. Il «a des trous de mémoire», a répliqué Richard Ferrand, assurant qu’il n’est «jamais intervenu en tant que preneur et bailleur».
La question à laquelle tentera désormais de répondre l’instruction est si, oui ou non, les Mutuelles agissent dans des missions de service public ou d’intérêt général. Ce n’est que dans le premier cas que l’accusation de prise illégale d’intérêt s’appliquera.
Richard Ferrand a été convoqué le 11 septembre dernier, l’affaire ayant été révélée par le Canard enchaîné en 2017. Malgré sa mise en examen, il a décidé de ne pas démissionner de ses fonctions de président de l’Assemblée nationale.