Série de points d’interrogation de la réforme des retraites

« Plus ‘ils’ communiquent, moins on comprend »: les adversaires du régime universel de retraite par points surfent sur l’argument du « flou ». Et chaque nouvelle déclaration du gouvernement sur cette refonte complexe déclenche un flot de questions parfois laissées sans réponses.

Dernier exemple en date, samedi dernier: l’annonce du retrait à court terme de l’âge pivot, ou âge d’équilibre, qui devait être introduit dès 2022 pour atteindre graduellement 64 ans en 2027.

Cependant « le projet de loi prévoira que le futur système universel comporte un âge d’équilibre », modulable selon les carrières, a écrit le Premier ministre Edouard Philippe dans sa lettre aux partenaires sociaux.

Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU, parle d’une « communication un peu compliquée: ‘je retire, tout en ne retirant pas’, ‘âge pivot, âge d’équilibre’, il faut trouver de toute façon l’équilibre financier mais vous n’avez pas le droit de demander une augmentation des cotisations… », a-t-elle cinglé en sortant d’une réunion de l’intersyndicale cette semaine.

« Plus ‘ils’ communiquent, moins on comprend », a renchéri Gérard Mardiné, un dirigeant de la CFE-CGC.

Les interrogations s’amoncellent.

Dans une lettre cette semaine à Edouard Philippe, le numéro un de la CGT Philippe Martinez lui a reposé trois questions: « Qu’est-ce qu’une carrière complète? Comment allez-vous articuler points et durée de cotisation? Pourquoi ne pas avoir déjà mis en place un simulateur? »

Dans le projet de loi transmis aux partenaires sociaux, la notion de « carrière complète » découle de l’article 40 sur le minimum de retraite et correspond à 516 mois (43 ans) pour la génération 1975, conformément à la dernière réforme adoptée sous François Hollande, en 2014. « Pour les générations ultérieures, cette durée évolue comme l’âge d’équilibre », précise le texte.

Ces questions sont aussi formulées à l’Assemblée nationale.

« Monsieur le Premier ministre, les Français ont peur de votre réforme des retraites parce qu’ils n’y comprennent rien, et leur peur est indexée sur cette incompréhension », a lancé l’ancien ministre de la Solidarité Eric Woerth (LR), qui a fait passer l’âge légal de 60 à 62 ans en 2010, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Sa réforme avait mis des milliers de gens dans la rue sans faire dévier le gouvernement.

Mais pourquoi autant d’incompréhension?

« Ce serait très simple si c’était le jour 1 de l’Humanité! », résume Raymond Soubie auprès de l’AFP. Pour l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, l’exécutif a planché « pendant des mois sur le système définitif, et pas sur les conséquences corporation par corporation et les régimes de transition ».

« Il y a mille sujets, ce qui explique la complexité » de ce « chantier énorme », estime-t-il. « Et il est impossible d’avoir un discours global pour les gens sur +qu’est-ce qui vous attend les 20 prochaines années?+ », ajoute-t-il. C’est « ce qui explique que c’est inaudible ».

Encore jeudi soir, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, favorable à un régime universel, reconnaissait que le futur système « suscite beaucoup d’interrogations ». Il exhortait « à sortir des ambiguïtés, des imprécisions », à dire « plus exactement » ce qu’est cette réforme, à préciser « comment » elle « se finance » et à davantage « expliquer les transitions ».

Autre inconnue: quels sont les éléments chiffrés du projet?

« Il n’est pas question que le Parlement puisse débattre sans une vraie étude d’impact. Est-ce qu’on peut sérieusement parler de 321 milliards, 14 % du PIB, sans savoir la réalité des chiffres? », s’est insurgé le président du Sénat, Gérard Larcher (LR). Réclamée à cor et à cri, l’étude d’impact « sera communiquée aux parlementaires lorsqu’on déposera la loi sur le bureau de l’Assemblée nationale », avant le 3 février, a promis le secrétaire d’Etat chargé des Retraites, Laurent Pietraszewski.

Autre élément exigé: le simulateur devant permettre à chacun de connaître sa situation. Il devrait arriver six mois au plus tard après le vote de la loi, soit avant fin 2020.

En attendant, c’est la « conférence de financement » qui interroge. Instituée par le projet de loi, elle doit se réunir alors qu’elle n’existe pas juridiquement, puisque que le texte n’est pas adopté… La présidente du groupe PS à l’Assemblée, Valérie Rabault, a pris sa plume pour s’en étonner auprès du Premier ministre.

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