La France est en route vers une nouvelle lutte des classes, pronostique le démographe Emmanuel Todd. Invité des Matins de France Culture, il explique que le pays se prépare à un choc entre le haut et le bas, dans une société dont le mode de fonctionnement actuel est caractérisé par «une violence qui vient d’en haut et contre-violence d’en bas».
Dans son nouvel ouvrage baptisé Les luttes de classes en France au XXIe siècle, Emmanuel Todd met l’accent sur la théorie selon laquelle le pays s’achemine vers une nouvelle lutte des classes.
Invité de l’émission Les Matins, sur France Culture, le tenant de l’anthropologie historique a soutenu que d’après lui, la société française était homogène, quand la plupart des gens ne parlent que de montée des inégalités.
«La tendance générale de la société française, […] c’est une vision paradoxale. Tous les gens sont obsédés par la montée des inégalités […], moi au fond, j’observe tout à fait le contraire: je vais énumérer les éléments qui permettent de parler d’une société française de plus en plus homogène. D’abord, les inégalités n’augmentent pas», a expliqué Emmanuel Todd.
Dans son ouvrage il a distingué quatre nouvelles classes sociales en France: une aristocratie stato-financière qui composerait 1% de la population française; la petite bourgeoisie CPIS (cadres et professions intellectuelles supérieures, 19%); la majorité atomisée, rassemblant les professions intermédiaires, les employés qualifiés, artisans ou petits commerçants et les agriculteurs (50% de la population) et, enfin, tout en bas, ce que l’historien et anthropologue nomme le prolétariat, en s’inspirant de Karl Marx. Pourtant, il divise le prolétariat entre le bon et le mauvais.
«Il y a le prolétariat qui j’espère sera le prolétariat du passé et le prolétariat du futur. Le prolétariat du passé c’est celui qui vote Le Pen, à 40-50%. […] Et, puis, il y a le nouveau prolétariat, il a y les Gilets jaunes.»
Interrogé sur la situation économique, il tient à souligner que la France est un pays qui s’appauvrit, soulignant que «le gouvernement peut gérer la baisse du niveau de vie».
«Ce que nous promet Emmanuel Macron et sa fine équipe, c’est l’anxiété économique jusqu’à la mort. […] Si on est dans un pays qui s’appauvrit, on va devoir gérer cet appauvrissement, donc toute cette histoire est une vaste escroquerie, et les gens le savent, et ils n’en sortiront pas et on va vivre là-dedans jusqu’à la prochaine présidentielle», analyse Emmanuel Todd.
En conclusion, il rappelle l’une de ses hypothèses qu’il a baptisé le modèle aztèque et qui consiste en ce que la classe des dirigeants français est dominante en France mais elle qu’est impuissante économiquement et ridicule à l’échelle internationale. De ce fait, il suppose que la classe des dirigeants se trouve dans un grand état de désarroi spirituel -surtout depuis le mouvement des Gilets jaunes-, malheureuse, pleine de ressentiment et que sa «seule possibilité est de se venger sur le peuple français», en un phénomène de «sadisme politique».
«Le mode de fonctionnement de la société française actuellement c’est une violence qui vient d’en haut et une contre-violence d’en bas», conclu Emmanuel Todd.