« La laïcité ne se résume pas à la tolérance ou à la neutralité de l’État. Elle ne peut ignorer le fait religieux. Elle est la condition du respect des choix personnels les plus profonds », indique la note de la préfecture de police diffusée depuis le 13 janvier.
Les policiers sont parfois un peu perdus concernant les manifestations publiques des cultes. Par exemple, les prières de rue, longtemps tolérées le vendredi dans certains arrondissements de Paris, sont interdites non pas « au nom de la laïcité, mais parce qu’elles constituent un usage répété de l’espace public, avec des troubles à l’ordre public », notamment de circulation.
Les processions sont, elles, soumises à déclaration préalable au même titre qu’une manifestation à l’appel de syndicats. Mais les appels à la prière par haut-parleur sur la voie publique, même à une heure tardive, ne font pas l’objet d’une interdiction absolue. « Ils peuvent être encadrés afin de faire respecter la tranquillité publique, notamment dans leur durée et leur intensité sonore », lit-on dans la note. Un usager ne peut pas exiger que le service public s’adapte à ses convictions religieuses. Néanmoins, les repas servis en garde à vue doivent tenir compte des interdits alimentaires liés aux religions.
La neutralité, partout
Vis-à-vis de ses collègues, un policier doit rester neutre. La note rédigée par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), service référent en la matière depuis 2015, détaille : « Un local inoccupé d’un commissariat sert de salle de prière ? La neutralité s’impose dans tout le service : les bureaux, les vestiaires, les toilettes, les véhicules. » De même, un fonctionnaire ne peut pas mettre en avant ses convictions religieuses pour refuser de serrer la main de ses collègues de sexe féminin. En tenue, l’agent ne doit pas faire état de ses convictions religieuses, quelles que soient les circonstances. Exprimer en tenue ses croyances sur Facebook est strictement interdit.
Le policier doit être disponible. Il ne peut pas refuser de venir travailler « parce que le dimanche il va à la messe », de partir en intervention « parce qu’il est l’heure de la prière » ou « de prendre une plainte parce que c’est shabbat ». En même temps, précise la directive, « les agents publics ne peuvent pas être lésés dans leur emploi en raison de leurs croyances ».
Une suspicion généralisée ?
Pour ce dernier point, l’administration a fort à faire depuis l’attaque au couteau perpétrée par Mickaël Harpon, un fonctionnaire de police converti à l’islam, qui a tué quatre de ses collègues à la préfecture à Paris. Des policiers actuellement suspendus pour des suspicions de radicalisation ont saisi le tribunal administratif et la plateforme Signal Discri, créée en 2017 par la direction générale de la police nationale pour le signalement de faits vécus comme discriminatoires.
Le cas d’un capitaine en fonction à la police judiciaire est particulièrement intéressant. En 2011, cet officier avait saisi la police des polices pour signaler des rumeurs courant sur ses convictions religieuses depuis sa conversion à l’islam. L’enquête a permis de lever toute suspicion de radicalisation et de rassurer son service. Mais, après l’attentat du mois d’octobre 2019 à la préfecture de police, le préfet a ressorti le dossier et suspendu le fonctionnaire. Aucun élément nouveau n’est pourtant apparu dans son comportement. Un autre fonctionnaire, brigadier d’origine algérienne, s’est retrouvé dans la même situation et doit passer devant le conseil de discipline le 5 février. Son forfait ? En 2014, elle avait « retweeté » deux commentaires en faveur des droits des Palestiniens.