Il a connu Saint-Exupéry, bombardé l’Allemagne nazie, présidé un club professionnel de football et dirige une commune de Gironde depuis près de cinquante ans, sans téléphone portable ni ordinateur : à bientôt 98 ans, Marcel Berthomé a eu mille et une vies et il en redemande.
Le plus vieux maire de France, qui préside depuis 1971 aux destinées de Saint-Seurin-sur-l’Isle (3.200 habitants), est candidat à un dixième mandat consécutif, rapporte aujourd’hui France24.
Dans son bureau littéralement tapissé de photos de généraux, ce maire -« sans étiquette » mais pas sans opinion – assure: « L’âge n’y fait rien: on peut avoir 20 ans et être con, comme avoir 98 ans et être en forme ».
« Je vous le dis avec conviction: je suis apte à servir! », venait de leur lancer cet homme de taille moyenne, plutôt fluet mais tiré à quatre épingles et les cheveux teints en noir.
« Il a toujours autant de ‘peps’, J’aimerais être aussi vivante que lui au même âge », relève Corinne Chigot, une Saint-Seurinoise mère au foyer.
Anne Berthomé , première adjointe de son père, confie qu’il « n’a jamais fait d’excès et a toujours fait du sport. Mais surtout il travaille tout le temps: il reste éveillé au niveau des neurones ».
« Je ne refuse pas un apéro le midi ou une coupe de champagne le dimanche », glisse pourtant le patriarche, qui se dit aussi amateur de whisky, découvert en Ecosse quand il servait comme radio-navigant dans les bombardiers de la Royal Air Force pendant la Seconde guerre mondiale.
Soldat de 18 ans lors du « désastre » de juin 1940, il avait quitté la France pour « continuer la guerre ». Marcel Berthomé fera ensuite l’Indochine et l’Algérie, également dans l’armée de l’air.
Fervent patriote, il cultive une certaine nostalgie de ce passé militaire et de l’empire colonial. « La repentance », très peu pour lui. Dans son bureau, les généraux putschistes d’Alger occupent autant de place que De Gaulle.
Mais le modèle de cet homme trois fois décoré de la Croix de guerre, c’est Napoléon. Un petit buste de Bonaparte trône sur son bureau. Par contre, aucun ordinateur en vue.
Et pas la peine de lui demander son numéro de portable. « Je travaille comme à mes débuts », confie-t-il. « Pour lui, internet c’est la fermeture de beaucoup de choses et moins de lien entre nous », raconte sa fille.
Après sa carrière militaire, Marcel Berthomé est venu à la politique par le football, sa grande passion. Sous sa présidence, les amateurs de l’AS Saint-Seurin sont montés jusqu’en D2 professionnelle (1989 – 1992). Une incongruité pour un village. « On nous cherchait des poux dans la tête parce qu’on était trop petit! », se souvient-il.
Son autre fierté est d’avoir fait de sa petite commune, près de Libourne, « l’équivalent, en équipements et en services, d’une ville de 10 000 habitants ».
C’est notamment parce qu’il y a « 4 médecins, 4 boulangeries, un kiné… » que Michel Gros, retraité, est venu y vivre. Son maire, il le trouve « adorable »: « La dernière fois au boulodrome, on n’a pas pu s’en débarrasser! ».
« Mon père aime les gens, il a un cœur gros comme ça », souligne Anne Berthomé, qui lui reconnaît quand même un certain « tempérament ». « J’appuie parfois les mots », avoue l’intéressé.
Mais pour Jean-Marc Sallaberry, conseiller municipal tombé en disgrâce qui convoite le fauteuil de maire, l’édile de Saint-Seurin est un « dictateur » qui pousse « des coups de gueule effrayants ».
C’est un « mégalo total » qui « a fait n’importe quoi », créant des « équipements de grande ville dans un village de gens à faibles revenus », devenu une « cité-dortoir » avec « des problèmes de banlieue » et « 45% de logements sociaux », soutient cet opposant de 62 ans.
Selon lui, Marcel Berthomé « n’a plus les moyens physiques » d’être maire mais veut être réélu pour transmettre le flambeau à sa fille. « Mon père a encore beaucoup de choses à dire et à prouver », répond celle-ci.