Les grèves contre la réforme des retraites ont fait reculer l’économie française en fin d’année engendrant un ralentissement plus fort que prévu sur l’ensemble de 2019 même si la France résiste à un contexte international défavorable.

La croissance économique a ralenti à 1,2% l’an dernier, après 1,7% en 2018, selon une première estimation publiée vendredi, pour s’établir en deçà de 1,3% qu’anticipaient à la fois l’Insee, la Banque de France et le gouvernement.

Ce décalage s’explique par une contre-performance au dernier trimestre, avec un produit intérieur brut en repli de 0,1 % quand l’Insee prévoyait une progression de 0,3 %. Il s’agit du premier recul de l’activité sur un trimestre depuis le deuxième trimestre de 2016 qui illustre l’impact plus fort qu’attendu du mouvement de grève de décembre contre la réforme des retraites.

« On ne s’attendait pas à un impact de cette ampleur », a commenté Mathieu Plane, économiste à l’OFCE. « Il y a eu un mouvement très ciblé, en particulier sur l’industrie, de destockage massif. (…) En décembre les chaines de production ont tourné au ralenti », détaille-t-il.

De fait, la production de biens et services a reculé de 0,2 %, après une hausse de 0,3 % au trimestre précédent, illustrant les blocages des raffineries ou la grève dans les transports. Dans le même temps, la variation des stocks est négative à -0,4 %.

L’investissement a lui fortement ralenti à +0,3%, et c’est le cas aussi, dans une moindre mesure, de la consommation des ménages (+0,2 % après +0,4 %).

« Ce ralentissement passager ne remet (…) pas en cause les fondamentaux de la croissance française, qui sont solides », a assuré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. Sur l’ensemble de l’année, l’économie française n’a en effet pas été emportée par les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis ou encore les inquiétudes liées au Brexit.

La croissance française est identique à celle de la zone euro, mais largement meilleure que celle de l’Allemagne, tombée à 0,6 %, car beaucoup plus dépendante du commerce international pour stimuler son industrie. Et sans commune mesure avec la très faible progression du PIB italien de 0,2 % l’an dernier.

Malgré son économie moins ouverte à l’international, la France a aussi souffert de ce contexte défavorable, avec une contribution négative du commerce extérieur.

Mais elle a pu compter l’an dernier sur une demande intérieure relativement forte. Si la production a souffert des difficultés du dernier trimestre (+1,6 %, après 2 % en 2018) l’investissement a été dynamique, en hausse de 3,6 %, après 2,8 % en 2018.

La consommation des ménages a elle aussi accéléré à 1,2 %, après 0,9 % en 2018, mais ce « léger rebond (…) reste modeste au regard de l’évolution du pouvoir d’achat », note Mathieu Plane.

Grâce aux 10 milliards d’euros débloqués fin 2018 par le gouvernement pour calmer le mouvement des « gilets jaunes », mais surtout à la dynamique de l’emploi, avec plus de 260.000 créations nettes sur l’année, le pouvoir d’achat a progressé de plus de 2%, selon les anticipations de l’Insee, du jamais vu depuis 2007.

Avec la baisse d’impôts sur le revenu de 5 milliards d’euros et la poursuite de la suppression de la taxe d’habitation, la consommation pourrait s’accélérer davantage cette année pour soutenir plus nettement la croissance et prendre le relai de l’investissement des entreprises qui devrait refluer.

« On attend encore plus de redistribution l’année prochaine, avec un niveau assez bas d’inflation, ce qui nous laisse penser qu’il y a un filet de sécurité pour l’économie française », estime Alexis Garatti, directeur de la recherche économique chez Euler Hermes.

En 2020, le gouvernement table ainsi sur une croissance de 1,3 %, tandis que la Banque de France prévoit 1,1 %, soit son taux le plus bas depuis 2016. L’Insee n’a pas encore publié de prévision pour l’ensemble de l’année, mais prévoit une progression de 0,2 % au premier trimestre, et 0,3 % au deuxième.

Mais, la contre-performance de la fin d’année 2019 pourrait contrecarrer l’ambition du gouvernement, l’économie française démarrant 2020 sans grand élan. Pour atteindre 1,3 % sur l’année, « la croissance par trimestre devrait être de 0,45 %. Cela paraît excessif », prévient dans une note Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management.

A l’inverse, Mathieu Plane anticipe un « effet rebond » si le recul du dernier trimestre n’était que conjoncturel.

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