Vente d’armes : des ONG menacent de bloquer un cargo saoudien à Cherbourg

Des ONG ont dénoncé dans une lettre ouverte l’arrivée, prévue jeudi au port de Cherbourg, du cargo saoudien Bahri Yanbu.

Elles le soupçonnent de venir chercher des armes de fabrication française à destination de l’Arabie saoudite, susceptibles d’être utilisées ensuite au Yémen.

La journée s’annonce agitée à Cherbourg, jeudi 6 février. Des militants de diverses organisations entendent s’opposer à l’arrivée du cargo saoudien Bahri Yanbu dans le port de la Manche. “Il y a de fortes présomptions que le Bahri Yanbu ait déjà dans ses cales des armes destinées à l’Arabie saoudite”, explique Elias Geoffroy, membre de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT).

L’ACAT et 16 autres ONG ont rendu publique, mercredi, une lettre ouverte adressée au Premier ministre Édouard Philippe dans laquelle elles demandent à être “inform(ées) sur la nature du matériel devant être chargé sur le Bahri Yanbu à Cherbourg”. La compagnie Bahri indique sur son site que le cargo, après être passé par un port anglais, doit faire un arrêt à celui de Cherbourg avant de prendre la direction de Gênes, en Italie.

Le Bahri Yanbu n’est pas un inconnu des ports français : en mai 2019, le cargo saoudien avait dû être dérouté alors qu’il devait initialement charger des armements français – « huit canons de type Caesar », selon le site d’investigation Disclose – depuis Le Havre et à destination du royaume wahhabite.

La venue du cargo saoudien dans un port français ne suscite pas, pour le moment, de commentaires officiels de la part des autorités. La capitainerie de Cherbourg, interrogée par France 3 Normandie, concède seulement que le bateau est “effectivement” attendu avant de préciser avoir “interdiction de parler aux médias, c’est un ordre de la préfecture de la Manche.”

“On veut des clarifications et des assurances qu’il ne s’agit pas d’armes” qui seraient chargées à Cherbourg, explique Bénédicte Jeannerod, de Human Rights Watch (HRW).

HRW et les autres ONG signataires rappellent que la France a ratifié, en 2013, le Traité sur le commerce des armes. « Conformément (à celui-ci), la France est tenue d’interdire les exportations d’armements dès lors qu’il existe un risque manifeste que ces derniers servent à commettre des crimes de guerre et autres violations graves du droit international humanitaire », écrivent-elles dans leur lettre ouverte.

Amnesty International, quant à elle, a voulu dès mercredi “mobiliser l’attention médiatique” à Cherbourg, explique Aymeric Elluin, un membre de l’ONG joint par France 24. “Nous sommes opposés (à la venue du Bahri Yanbu) parce qu’il y a des raisons légitimes de croire que ce cargo vient charger des armes, et il y a un risque que ces armes servent ensuite à commettre des atrocités au Yémen.”

Face à ces critiques récurrentes, Paris répète invariablement exercer un contrôle des exportations des matériels de guerre « strict, transparent et responsable », reposant sur un « examen poussé » via la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEMGG), rattachée aux services du Premier ministre.

Des ONG, comme l’ACAT, entendent déposer des référés devant la justice administrative pour maintenir le cargo au port de Cherbourg, tandis que des associations, syndicats et partis politiques appellent à “tout mettre en œuvre pour que ce bateau ‘passe son chemin’ car il n’est pas le bienvenu”. Plusieurs sources confirment à France 24 qu’il est notamment “possible” que des dockers “empêchent” jeudi “des chargements sur le cargo” saoudien, comme cela avait été déjà le cas, fin mai 2019, au port de Marseille-Fos.

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