Le gouvernement a rouvert ce week-end le débat sensible sur le recours à des assistants sexuels pour les personnes handicapées: estimant que «la société a mûri» sur ce sujet, même s’il reste «tabou», la secrétaire d’État Sophie Cluzel a saisi le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), rapporte l’AFP.
La question d’assistants devant aider les handicapés à assouvir leurs besoins sexuels a été relancée par la secrétaire d’État aux personnes handicapées.
«Je suis très favorable à ce qu’on puisse accompagner (la) vie intime, affective et sexuelle» des personnes handicapées, a déclaré Mme Cluzel lors du «Grand Rendez-vous» Europe 1/CNews/Les Echos dimanche, à deux jours de la conférence nationale du handicap que doit présider Emmanuel Macron.
«Tout l’enjeu» de «ma politique, c’est de remettre les personnes handicapées en pleine citoyenneté, dans le respect et la dignité», a souligné la secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées.
En recourant à des assistants sexuels, il ne s’agit pas «d’ouvrir un réseau de prostitution, cette question est totalement ridicule, à côté de la plaque», a-t-elle assuré.
Des «assistants de vie sexuelle existent déjà en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse. Allons voir comment ont été formées ces personnes», a-t-elle préconisé. Des services d’accompagnement sexuel existent également en Allemagne et au Danemark.
Ce sujet est «tabou dans notre société, c’est pour ça que j’ai saisi le Professeur (Jean-François) Delfraissy, président du CCNE», a expliqué la secrétaire d’État. Dans un courrier adressé samedi au Pr Delfraissy, révélé par le Journal du Dimanche et dont l’AFP a obtenu copie, Mme Cluzel juge «indispensable de rouvrir la réflexion éthique en abordant le sujet de l’assistance sexuelle avec une vision renouvelée».
«Sans aucune solution adaptée», certaines personnes handicapées sont «condamnées à vivre dans une abstinence (sexuelle) non choisie», alors que «la santé sexuelle fait partie intégrante de la santé, du bien-être et de la qualité de vie dans son ensemble», souligne Mme Cluzel, en citant l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Saisi en 2012, le CCNE n’avait pas donné de feu vert à la mise en place d’aidants sexuels, que certaines associations souhaitaient voir autorisés en France.
«Il n’est pas possible de faire de l’aide sexuelle une situation professionnelle comme les autres en raison du principe de non-utilisation marchande du corps humain», avait considéré le CCNE dans son avis. «La complexité de ce qui y est mis en jeu nous oblige à entendre les questions dérangeantes sur la dignité, la vulnérabilité, et les limites de ce qui est éthiquement acceptable», avait-il noté, jugeant «difficile d’admettre que l’aide sexuelle relève d’un droit-créance».
Mais depuis 2012 «la société a mûri», «c’est un vrai sujet de société», a estimé dimanche Mme Cluzel. Cité dans Le Journal du Dimanche, le Pr Delfraissy relève également que «la société française évolue et le regard posé sur le handicap aussi».
Les personnes handicapées nous ont dit «Nous souhaitons pouvoir être accompagnées dans notre vie intime et sexuelle», a poursuivi Mme Cluzel, ajoutant prudemment: «Je ne préconise rien puisque je saisis le Pr Delfraissy».
«Il va y avoir des débats citoyens» sur le sujet, ce qui «va nous permettre de prendre en compte les désirs et les attentes des personnes, des associations qui les accompagnent», a-t-elle considéré.
Et «quoi qu’il se passe, cela nous fera faire un bond en avant colossal dans la bientraitance des personnes, dans le recueil de leurs désirs, de leurs attentes, dans la façon de les regarder différemment, non plus comme des objets de soins, mais bien comme des sujets de droits», a relevé la secrétaire d’État.Président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), que Mme Cluzel a souhaité associer aux travaux du CCNE, Jérémie Boroy a salué sur Twitter «l’ouverture d’un débat citoyen» sur les assistants sexuels, «loin des caricatures souvent lues et entendues sur ce sujet».