Depuis plus de deux mois, la capitale russe subit les assauts d’une vague de fausses alertes à la bombe qui perturbent administrations, écoles et entreprises, sous le regard impuissant d’autorités largement silencieuses.
Ces menaces mensongères ont touché plusieurs villes de Russie, mais c’est à Moscou, où jusqu’à 16 millions de personnes vivent et se déplacent chaque jour, qu’elles ont été les plus nombreuses, atteignant parfois mille alertes quotidiennes.
Dans la capitale, elles ont forcé l’évacuation de plus de 1,6 million de personnes depuis le 28 novembre, selon l’agence de presse privée Interfax, seul média à donner une estimation officieuse.
« On ne compte plus toutes les fois où c’est arrivé », soupire Ioulia Olchanskaïa, une fonctionnaire moscovite qui rapporte qu’en décembre, l’école de sa fille, Maria, était évacuée « parfois plusieurs fois par jour ».
« Des cours étaient annulés et reportés, mais ces jours-là aussi il y avait des évacuations », raconte à une adolescente de 13 ans.
Même fatigue pour Ioulia Grebentchenko, une autre maman moscovite. Sa fille a été évacuée 13 fois depuis début décembre.
« Des parents ont embauché un maître-chien pour vérifier plus vite l’école car on ne sait jamais combien de temps mettront les équipes cynophiles », indique cette employée administrative.
A chaque alerte, le procédé est identique: des emails indiquant la présence d’une bombe sont envoyés par des expéditeurs intraçables à des entreprises et établissements publics que la loi oblige à inspecter ou à évacuer.
Rien que le 5 février, une source « informée » a fait état à Interfax de 1.500 lieux concernés à Moscou : la cathédrale du Christ-Sauveur, une trentaine de tribunaux, 150 lieux d’enseignement, 232 stations de métros, une quinzaine d’établissements médicaux, 75 piscines, une cinquantaine de centres commerciaux…
« Je viens de perdre plusieurs heures de travail », se plaint Sergueï, un défenseur des droits LGBT rencontré jeudi devant le tribunal moscovite Basmany, fraîchement évacué.
Le coût des opérations n’a pas été estimé mais, vu l’ampleur du phénomène, il est probablement important. En 2017, une précédente vague d’alertes à la bombe, lancées par téléphone, avait fait plusieurs millions d’euros de dégâts, selon des responsables russes.
Cette fois, les autorités ne disent rien, ou presque. Ce n’est que fin janvier que des communiqués lapidaires des services de sécurité, le FSB, et du gendarme des télécommunications, Roskomnadzor, ont annoncé le blocage de deux services d’emails cryptés basés à l’étranger et utilisés pour l’envoi de fausses alertes.
Aucune piste ou mobile n’est présenté, aucun suspect n’est évoqué. Et il n’y a ni mise en garde, ni message rassurant au public, malgré les perturbations évidentes.
Sur les réseaux sociaux et dans quelques médias indépendants, on en apprend un peu plus, en particulier la piste d’un mystérieux chantage aux Bitcoins, la célèbre monnaie virtuelle.