Législatives cruciales en Iran, la coalition gouvernementale en sursis

Les Iraniens sont appelés aux urnes le 21 février pour des élections législatives cruciales qui devraient signer le retour des conservateurs et accroître la pression sur le président Hassan Rohani déjà en difficulté.

Le scrutin intervient alors que la République islamique d’Iran est sous le coup de sanctions américaines asphyxiant son économie, et a été ces derniers mois au bord d’un affrontement militaire avec les Etats-Unis, son ennemi juré.

Le pays a aussi été secoué par des manifestations contre le gouvernement, notamment en raison d’une hausse subite du prix de l’essence.

Pas moins de 7.296 candidats aux 290 sièges du Parlement ont été disqualifiés contre 7.148 qualifiés par le Conseil des Gardiens, organe chargé de la validation des candidatures et dominé par les ultraconservateurs.

Fin janvier, M. Rohani, un conservateur modéré, a mis en garde contre les menaces pesant selon lui sur « la démocratie », après la disqualification de ces milliers de candidats, la plupart issus de la coalition gouvernementale formée par les modérés et les réformateurs.

Ces disqualifications sont « sans précédent », estime le journaliste indépendant Farshad Ghorbanpour qui souligne la désillusion chez les électeurs.

« La principale différence avec les précédentes élections est qu’avant, la population croyait que leurs votes permettraient des réformes. Cet espoir a disparu pour une majorité d’Iraniens », dit-il.

« Le Parlement actuel est composé en majorité des réformateurs, et les gens estiment qu’ils n’ont rien accompli de sérieux. Le peuple a en conclu que son choix n’a aucune incidence », ajoute-t-il.

Selon des observateurs, les électeurs ayant soutenu M. Rohani pourraient bien rester chez eux le vendredi 21 février.

Mostafa Hamidi, 37 ans, vendeur au bazar de Téhéran, affirme à l’AFP qu’il n’ira pas voter, se disant déçu des « promesses non tenues » des politiciens et de la dégradation de la situation économique. « Notre vote ne sert à rien. »

Beaucoup d’habitants interrogés par l’AFP critiquent la mauvaise gouvernance selon eux des autorités.

« A chaque fois qu’on a voté, les choses ne se sont pas améliorées, elles ont empiré », estime Morteza Jaberi, qui a une échoppe de pièces détachées dans le quartier pauvre de Molavi (sud).

Elu en 2013 puis réélu en 2017, le président Rohani avait promis plus de libertés sociales et individuelles et assuré que les Iraniens allaient pouvoir bénéficier des fruits du rapprochement avec l’Occident.

Il a été l’instigateur, pour Téhéran, de l’accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015. Ce pacte avait permis à l’Iran, pays pétrolier, de sortir de son isolement avec un allègement des sanctions internationales, en échange de garanties destinées à prouver que le programme nucléaire iranien n’avait aucune visée militaire.

Mais cet accord est menacé de voler en éclats depuis le retrait unilatéral américain en 2018 et le rétablissement par Washington des sanctions qui ont plongé l’économie iranienne dans une récession.

Par ailleurs, mi-novembre, l’Iran a connu une vague de contestation déclenchée par une hausse surprise du prix de l’essence, qui a été réprimée. Selon Amnesty International, la répression a fait au moins 304 morts.

Début janvier, les Etats-Unis ont tué dans une attaque de drone à Bagdad le puissant général iranien Qassem Soleimani, et des millions d’Iraniens lui ont rendu hommage dans un élan d’unité nationale.

Mais cette unité s’est ensuite fissurée. Après trois jours de déni, les forces armées ont reconnu avoir abattu par « erreur » un avion de ligne ukrainien (176 morts) après son décollage de Téhéran, ce qui a provoqué l’indignation de la population.

En l’absence de véritables concurrents, une grande coalition de conservateurs pourrait remporter largement les législatives, dont la campagne a débuté jeudi dans la discrétion.

Le Parlement, principal organe législatif de l’Iran, rédige les lois, ratifie les traités internationaux et approuve le budget.

Même si cette assemblée a été « de plus en plus mise sur la touche dans le processus de prise de décision », l’arrivée d’ultraconservateurs pourrait compliquer la tâche pour M. Rohani, relève Ellie Geranmayeh, analyste au Conseil européen des relations internationales.

Selon Henry Rome, analyste sur l’Iran à Eurasia group, la coalition gouvernementale de M. Rohani a même peu de chance de survie.

« Un Parlement ultraconservateur va tourmenter Rohani lors de la dernière année de son mandat, questionner ses ministres et compliquer la capacité du gouvernement à répondre aux pressions liées aux sanctions. »

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