Quatre Iraniens décédés du coronavirus chinois ont semé de la peur au Moyen-Orient, surtout dans l’Irak voisin, rapporte le 21 février France24.
L’inquiétude est d’autant plus grande dans ce dernier pays au secteur sanitaire délabré qu’au moins deux décès et quatre des 18 contaminations en Iran ont été recensés à Qom, à 150 km au sud de Téhéran, une ville sainte qui a une importance particulière pour les chiites, majoritaires en Irak et présents au Koweït.
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De nombreux étudiants en religion de Qom se rendent tout au long de l’année en Irak pour des pèlerinages à Kerbala et Najaf, au sud de Bagdad, et le leader chiite Moqtada Sadr, figure majeure de la politique irakienne, étudie lui-même actuellement dans l’une des écoles islamiques de Qom.
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L’Iran est aussi le deuxième fournisseur de l’Irak, et Téhéran inonde chaque année les 40 millions d’Irakiens de produits allant des voitures aux yaourts en passant par les tomates, pour un montant d’environ neuf milliards de dollars.
Acteur économique primordial – et pourvoyeur d’énergie dans un pays en pénurie chronique d’électricité – l’Iran est enfin un acteur politique incontournable en Irak, où il ne cesse d’étendre son influence.
Dans ce cadre, la décision irakienne d’interdire les voyages en Iran est remarquable: jusque-là, ni les menaces américaines de sanctions, ni les bombardements américains et iraniens interposés sur son sol n’avaient eu raison des liens et des échanges quotidiens.
Dans la pratique, face aux craintes liées à la pneumonie virale Covid-19, Bagdad -qui n’a jusqu’ici recensé aucun cas sur son sol – a interdit aux Iraniens d’entrer sur son sol et à ses ressortissants de se rendre en République islamique.
Ces mesures radicales sont intervenues sur fond de polémique: mercredi, au moment même où l’Iran faisait état de deux morts du nouveau coronavirus, le ministère irakien de l’Intérieur annonçait que les Iraniens pouvaient désormais entrer sans visa.
Aussitôt, le hashtag « Fermez la frontière » a fleuri sur les réseaux sociaux. Plusieurs provinces du sud de l’Irak, pays qui partage des centaines de kilomètres de frontière avec l’Iran, ont eux-mêmes réclamé la fermeture des postes-frontières.
Réunies en cellule de crise, les autorités ont annulé jeudi cette exemption de visa, interdit l’entrée en Irak des personnes en provenance d’Iran et indiqué que les postes-frontières ne laisseraient plus passer que des Irakiens – ceux-ci seront placés en « quarantaine durant 14 jours ».
En plus des dépistages dans les aéroports, les compagnies aériennes irakienne Iraqi Airways et koweïtienne Kuwait Airways ont annoncé suspendre leurs liaisons avec l’Iran.
Le Koweït, petit pays coincé entre Iran et Irak, a aussi suspendu jusqu’à nouvel ordre les mouvements de passagers vers l’Iran et en provenance de l’Iran dans ses ports et déconseillé les voyages vers Qom.
Mais toutes ces mesures ne semble pas apaiser la psychose des Irakiens, qui se sont d’abord inquiétés de la diffusion du nouveau coronavirus en Chine (aujourd’hui 2.233 morts hors Hong Kong et Macao) alors que plusieurs compagnies pétrolières chinoises opèrent avec leur personnel en Irak. L’entrée de tout étranger en provenance de Chine est désormais interdite.
Aujourd’hui, alors que l’épidémie touche plusieurs pays du Moyen-Orient – avec des cas en Iran mais aussi aux Emirats et en Egypte-, les Irakiens se demandent notamment quelles pourraient être les conséquences face aux pénuries chroniques de médicaments et de médecins – moins de 10 pour 10.000 habitants, soit deux fois moins que la Libye en plein chaos, selon l’OMS.
Signe que le sujet préoccupe en haut lieu, le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité pour la plupart des chiites d’Irak, a dénoncé « les problèmes du système de santé », appelant les autorités à « être au niveau » de la menace.
Sur les réseaux sociaux, les avis sont partagés. Certains s’inquiètent alors que d’autres proposent des solutions plus ou moins cocasses.
Depuis jeudi, de nombreux Irakiens s’envoient ou partagent des prières censées éloigner les virus tandis que des vidéos tournées en Irak et en Iran montrent des familles répandant de l’encens dans leurs maisons pour, affirment-elles, tuer les virus.
Alors que les herboristes vendent plus de tisanes et autres décoctions antivirus, certains, ironiques, proposent eux en guise de prophylaxie de boire de l’arak, l’alcool local.