La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné jeudi l’Azerbaïdjan pour l’arrestation en 2014 et la détention d’une journaliste anticorruption qui enquêtait sur les proches du président Ilham Aliyev, estimant que les poursuites engagées contre elle visaient à « la faire taire et la punir ».
Journaliste à Bakou pour le service azerbaïdjanais de Radio Free Europe/Radio Liberty, station financée par les États-Unis, Khadija Ismaïlova avait enquêté de 2010 à 2012 « sur l’implication alléguée de la famille duprésident Aliyev dans des activités commerciales illégales », a rappelé la Cour dans un communiqué.
Selon la CEDH, Bakou a violé quatre articles de la Convention européenne des droits de l’Homme portant sur la privation de liberté, la régularité de la détention ou la présomption d’innocence. Des vidéos intimes d’elle, prises par une caméra cachée, diffusées sur internet et assorties de menaces avaient valu à Bakou une première condamnation par la CEDH en janvier.
Toujours selon la Cour, Khadija Ismaïlova a été aussi la cible de « déclarations officielles stigmatisantes » dans les médias d’Etat.
En décembre 2014, la journaliste d’investigation avait été incarcérée pour « incitation au suicide ». Mais cette accusation « était fondée sur une fausse
plainte déposée sous la contrainte » par l’un de ses ex-collègues, a pointé la
Cour.
En février 2015, les autorités l’avaient accusée de « détournement et fraude
fiscale à grande échelle« en sa »qualité de responsable du bureau de Bakou de
la radio », rappelle encore la juridiction paneuropéenne.
Condamnée à sept ans et demi d’emprisonnement la même année pour
« infractions financières », elle avait été remise en liberté en 2016 par la
Cour suprême qui avait ramené sa peine à trois ans de prison assortis d’un
sursis et annulé une partie des poursuites.
« Le véritable objectif poursuivi était de faire taire Mme Ismaïlova et de la punir pour son travail de journaliste », conclut la CEDH.
Evoquant des affaires similaires visant des militants d’ONG, les juges européens estime qu’elles relèvent « d’un schéma déjà identifié d’arrestation et de détention arbitraires de détracteurs du gouvernement, de militants de la société civile et de défenseurs des droits de l’homme à travers des poursuites engagées à titre de représailles ».
La cour a condamné Bakou à verser 20.000 euros à Khadija Ismaïlova pour
dommage matériel et moral.