L’accord annoncé par la Russie et la Turquie sur un cessez-le-feu dans le nord-ouest de la Syrie est entré en vigueur vendredi, en vue de mettre un terme aux combats intenses qui ont provoqué une catastrophe humanitaire et fait craindre un affrontement entre leurs armées.
L’ONG Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a fait état d’un calme « relatif » dans la province d’Idleb, marqué notamment par un arrêt des frappes aériennes russes et syriennes.
Le président russe Vladimir Poutine et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan ont annoncé plus tôt, lors d’une conférence de presse commune au Kremlin, ce cessez-le-feu à partir de minuit vendredi (22H00 GMT), une décision intervenue après une escalade de la violence dans la région d’Idleb.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a émis l’espoir que cet accord de cessez-le-feu mène à « une cessation des hostilités immédiate et durable », tandis que le Conseil de sécurité a prévu une réunion vendredi à partir de 17H00 GMT, à la demande de la Russie.
Moscou a demandé que cette réunion ait lieu à huis clos pour informer les membres du conseil de sécurité sur l’accord de cessez-le-feu, a indiqué une source diplomatique a indiqué à l’AFP.
Selon le texte de l’accord consulté par l’AFP, la Russie et la Turquie organiseront à partir du 15 mars des patrouilles communes sur une large portion de l’autoroute M4, un axe crucial pour le régime traversant la région syrienne d’Idleb. Ce sera la première fois que Russes et Turcs patrouillent ensemble dans cette zone.
Moscou et Ankara ont aussi prévu de mettre en place un « couloir de sécurité » de six kilomètres de profondeur de part et d’autre de cette autoroute, soit une zone tampon de 12 kilomètres de large au total. Les paramètres définissant cette zone seront définis sous sept jours, selon le texte.
L’accord doit mettre un terme à des semaines d’intenses combats autour d’Idleb, l’ultime bastion des rebelles et des jihadistes dans le nord-ouest de la Syrie où la Turquie est intervenue contre les forces du régime de Bachar al-Assad, soutenues par la Russie.
Ces violences ont provoqué une catastrophe humanitaire, avec près de 500 civils tués et environ un million de personnes déplacées vers la frontière turque.
Selon le ministère turc de la Défense, deux soldats turcs ont été tués par les forces du régime syrien à Idleb, quelques heures avant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.
Le ministère turc a ajouté tôt vendredi que des drones armés turcs avaient « neutralisés » 21 militaires du régime syrien dans des tirs à 16H00 locales jeudi, en riposte aux 34 soldats turcs tués le weekend dernier.
« Notre objectif est d’éviter que la crise humanitaire n’empire », a déclaré M. Erdogan à Moscou, prévenant toutefois que son pays « se réserve le droit de répliquer de toutes ses forces et partout à toute attaque du régime » de Damas.
S’exprimant avant son homologue turc, M. Poutine avait émis l’espoir que ce texte serve de « base solide pour mettre un terme aux combats dans la zone de désescalade d’Idleb » et pour « stopper les souffrances de la population civile ».
Parmi la population, certains déplacés d’Idleb ont affirmé avoir été déçus par l’accord.
« Nous vivions dans l’espoir de revenir chez nous », a déclaré à l’AFP Mouawiya Agha, un père de quatre enfants, en allusion à la résistance farouche opposée ces derniers jours par les insurgés, appuyés par Ankara.
« Cet accord a douché nos espoirs », a ajouté cet homme de 33 ans, originaire de ville de Sarmine dans le sud d’Idleb, reconquise par les forces du régime.
« Je ne pense pas que cet accord fera long feu. Il finira comme ceux qui l’ont précédés », poursuit-il, en référence notamment à l’accord russo-turc conclu en 2018 pour éviter une offensive d’envergure à Idleb et resté lettre morte.
L’intensification des combats à Idleb avait abouti à des tensions diplomatiques entre la Russie, un allié du régime syrien, et la Turquie, qui appuie les rebelles, faisant planer un risque d’affrontement direct entre ces deux pays qui se sont imposés en tant que principaux acteurs internationaux dans le conflit syrien.
La Turquie, qui accueille déjà 3,6 millions de Syriens sur son sol, a réclamé mercredi un soutien européen aux « solutions politiques et humanitaires turques en Syrie », indispensable selon elle pour mettre en place une trêve et régler la crise migratoire.