Kaboul s’est dit prêt, mercredi 11 mars, à libérer progressivement 5 000 prisonniers talibans en échange d’une réduction « importante » des violences en Afghanistan, ouvrant la voie à des pourparlers historiques entre Kaboul et les insurgés.
Selon le porte-parole du président Ashraf Ghani, « la grâce et la libération de 1 500 prisonniers taliban » vont commencer samedi au rythme d’une centaine de détenus par jour. Une fois des discussions entamées entre les autorités afghanes et les insurgés, 500 nouveaux détenus seront ensuite libérés « toutes les deux semaines », jusqu’à parvenir à un total de 5 000 prisonniers, « à condition que la violence diminue de manière importante », a poursuivi le porte-parole.
La mesure a été prise par décret du président Ghani, qui s’y était jusque-là opposé au nom de la souveraineté nationale. Elle figurait dans l’accord signé le 29 février à Doha par les États-Unis et les Taliban, mais non ratifié par Kaboul, en échange de la libération par les insurgés de 1 000 membres des forces afghanes.
Dans ce texte, approuvé mardi par le Conseil de sécurité de l’ONU, Washington a promis un retrait total des forces étrangères d’Afghanistan sous 14 mois à condition que les rebelles respectent des engagements sécuritaires et ouvrent des négociations de paix avec le gouvernement afghan.
L’échange de prisonniers devait théoriquement avoir lieu avant le début de négociations de paix directes sans précédent, censées commencer ce mardi. Mais les réticences de Kaboul, et la crise politique entre Ashraf Ghani et son principal rival Abdullah Abdullah, qui revendiquent tous deux la victoire à la présidentielle de septembre, ont rendu impossible de tenir ce délai.
Les États-Unis, soucieux de ne pas faire dérailler durablement un processus de paix fragile, ont exhorté les deux parties à se retrouver à Doha pour des « discussions immédiates » afin de finaliser cet échange de prisonniers et ouvrir ainsi la voix aux véritables négociations interafghanes.
Ils ont aussi jugé que le niveau de violence de la part des Taliban était « inacceptable » contre les Afghans dans les zones rurales. « Cela doit changer », a martelé la porte-parole de la diplomatie américaine Morgan Ortagus. Elle a rapporté que le président Ghani s’était engagé à nommer une équipe de négociateurs « inclusive » pour le dialogue avec les Taliban dans « les tout prochains jours ».
Selon le négociateur américain Zalmay Khalilzad, les prisonniers que les autorités afghanes ont accepté de relâcher sont ceux inscrits sur une liste fournie par les Taliban. Suhail Shaheen, un porte-parole des insurgés, a prévenu, quelques minutes après l’annonce de Kaboul, que le groupe islamiste procéderait à une « vérification » après chaque libération.
L’armée américaine a commencé mardi à se retirer de deux bases d’Afghanistan situées à Lashkar Gah, la capitale de la province du Helmand (sud), largement sous contrôle des insurgés, et dans la province d’Herat (ouest), a déclaré à l’AFP un responsable américain. D’après l’accord de Doha, le nombre de soldats américains sur place doit passer de 12 000 ou 13 000 actuellement à 8 600 d’ici mi-juillet. Cinq de la vingtaine de bases américaines dans le pays doivent être évacuées.
Les Taliban, qui considèrent l’accord comme une « victoire » contre les Etats-Unis, ont déjà commencé à mettre à l’épreuve la volonté de Washington de protéger ses partenaires afghans, avec des dizaines d’incidents recensés depuis la signature du texte à Doha.