Donald Trump voulait rassurer, fixer un cap, démontrer sa capacité à diriger. Mais devant les événements qui se précipitent en Amérique et dans le monde, sa parole n’a rien clarifié.
Messages contradictoires, approximations, contre-vérités: depuis plusieurs semaines, le président des Etats-Unis sème la confusion sur le coronavirus. Son allocution solennelle, mercredi soir depuis le Bureau ovale, n’a fait qu’alimenter un peu plus les inquiétudes, des investisseurs comme des autres.
Le principale mesure, la fermeture pour 30 jours des frontières des Etats-Unis à tous les voyageurs en provenance d’Europe (à l’exception des Américains), a suscité de vives interrogations sur son efficacité face une pandémie qui a fait plus de 4.600 morts à travers le monde et affolé les marchés financiers.
Les critiques sont venues de ses adversaires démocrates, mais aussi de la communauté scientifique et même de son propre camp.
Thomas Bossert, son ancien conseiller à la sécurité intérieure, n’a pas caché ses réserves. « Dans deux semaines, nous regretterons d’avoir perdu du temps et de l’énergie sur ses restrictions de voyage », a-t-il tweeté, estimant qu’il aurait été infiniment préférable de se concentrer sur la préparation des hôpitaux et des communautés particulièrement touchées.
Le Royaume-Uni, épargné par la décision présidentielle, a également critiqué la mesure visant les ressortissants de l’espace Schengen. « Nous ne pensons pas que c’est ce qu’il faut faire », a lâché, laconique, le ministre britannique des Finances Rishi Sunak sur la BBC.
« ‘L’Amérique d’abord’ est une réponse dangereusement court-termiste face à une crise mondiale de cette ampleur », a réagi Iann Bremmer, fondateur du think tank Eurasia Group.
Au-delà de ses décisions, le choix des mots a aussi fait grincer des dents. Dès le début de son allocution, Donald Trump a parlé, à dessein, du « virus étranger ».
Or ce président qui, en, campagne, stigmatisait les Mexicains « violeurs », n’en est pas, loin s’en faut, à son coup d’essai sur ce thème.
« Construction en cours. Nous avons plus que jamais besoin d’un mur ! », tweetait-il le 10 mars en réponse à un autre tweet mettant en garde contre la propagation du « virus de Chine »
Pour Richard Haass, président du Council on Foreign Relations, le discours de mercredi soir était d’abord remarquable par sa « xénophobie ».
Dénonçant lui aussi le recours à la xénophobie, Joe Biden, grand favori du camp démocrate pour affronter Donald Trump lors du scrutin du 3 novembre, a déploré un discours à ses yeux peu présidentiel. « Appeler le Covid-19 un ‘virus étranger’ n’écarte pas la responsabilité des mauvaises décisions prises jusqu’ici par l’administration Trump », a-t-il lancé.
L’appel au rassemblement formulé par l’ancien homme d’affaires de New York n’aura par ailleurs duré que quelques heures. « Nous avons un ennemi commun, l’ennemi du monde, c’est le coronavirus », tweetait-il mercredi, appelant les médias, qu’il attaque sans relâche, à l’unité.
Dès jeudi matin, il replongeait dans son exercice favori : citer sur Twitter des présentateurs de sa chaine préférée, Fox News, critiquant ses adversaires, en l’occurrence Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre des représentants.
Quelques heures avant l’allocution présidentielle, Anthony Fauci, directeur de l’Institut national des maladies infectieuses et figure emblématique de la recherche aux Etats-Unis, avait, devant le Congrès, fait une série de mises en point.
Ses réponses précises, simples, directes – « basées sur la science », a-t-il insisté – ont sonné comme autant de rectifications aux approximations présidentielles sur le virus qui fait trembler la planète.
Interrogé en particulier sur les affirmations du tempétueux locataire de la Maison Blanche selon lesquelles l’arrivé du printemps signerait probablement la fin du virus, il a remis les choses calmement en perspective.
« Nous ne savons pas ce que ce virus va faire », a-t-il martelé. « Nous espérerons qu’avec un temps plus chaud il ira en diminuant. Mais nous ne pouvons travailler sur la base de cette hypothèse. Nous nous devons de prendre comme hypothèse de travail que cela va devenir de pire en pire ».
Dans un éditorial intitulé « Virus et leadership », le Wall Street Journal, peu suspect d’anti-trumpisme primaire, s’inquiétait lui de l’incapacité du milliardaire républicain à relever le défi de cette crise sanitaire mondiale.
« Lorsque le président Trump identifie une menace, son instinct est de la nier, de s’arc-bouter et de riposter. Cela souvent été efficace politiquement, mais dans le cas du nouveau coronavirus, cela a nui à sa capacité à diriger ».