Les Français se préparent à voter dimanche pour le premier tour des élections municipales dans un contexte sans précédent d’une épidémie mondiale.

D’heure en heure, la crise sanitaire écrase un peu davantage un scrutin aux enjeux pourtant multiples. Il a été maintenu in extremis, malgré l’inquiétude croissante de la population et le risque d’une abstention massive, au bout d’une campagne qui s’est éteinte dans l’indifférence vendredi soir.

A l’approche du vote, le Premier ministre Edouard Philippe a martelé sa « conviction » sur la bonne tenue des élections, y compris du second tour, le 22 mars, lorsque l’épidémie, qui a fait 79 morts en France selon le dernier bilan, aura encore progressé dans le pays.

D’après un sondage Elabe diffusé vendredi, 58 % des Français estiment qu’Emmanuel Macron a eu raison jeudi de maintenir les élections. Mais ils sont désormais aussi 61 % à se dire « inquiets » de la propagation du virus, soit 13 points de plus que lors d’une précédente enquête réalisée les 10 et 11 mars.

Dans les bureaux de vote, on se prépare à accueillir les électeurs dans les meilleures conditions possibles: poignées de porte, tables, isoloirs… tout doit être nettoyé avant le vote et des mesures sont prises pour éviter les files d’attente et faire respecter les distances de sécurité.

Cela suffira-t-il à inciter les électeurs – près de 47,7 millions d’électeurs, dont 330.000 ressortissants d’autres pays de l’UE sont appelés aux urnes – à se déplacer ? Notamment les plus âgés que le chef de l’Etat a justement encouragés jeudi à rester chez eux ? L’urgence sanitaire laisse présager un nouveau record d’abstention, alors que le taux de participation aux municipales – 63,55% au premier tour en 2014 – diminue déjà depuis 30 ans.

Pour les spécialistes des mobilisations électorales, une nouvelle baisse toucherait en particulier un électorat âgé et pénaliserait plutôt la droite.

Le coronavirus a relégué les enjeux politiques du vote, avec des candidats macronistes en position difficile et l’occasion pour les partis traditionnels de gauche et de droite de redresser la tête, à deux ans de la présidentielle.

A Paris, l’ex-ministre de la Santé Agès Buzyn (LREM) recueille moins de 20% d’intentions de vote, loin derrière la sortante Anne Hidalgo (PS) et sa rivale LR Rachida Dati, créditées de 24% à 26%. A Marseille, le macroniste Yvon Berland stagne à moins de 10%. Résultat très attendu également au Havre, où Edouard Philippe, Premier ministre et candidat, a dû annuler son dernier meeting pour cause de crise sanitaire et joue son avenir à Matignon.

La droite a au contraire l’occasion de se refaire après sa déroute des européennes. Les Républicains semblent bien placés pour conserver nombre de leurs villes prises à la gauche en 2014 et récupérer une partie de leurs électeurs partis chez les macronistes depuis 2017.

Mais LR part divisé à Marseille où le Rassemblement national espère sortir en tête au premier tour.

A gauche, c’est le rapport de force entre les écologistes d’EELV et les socialistes qui se joue aux municipales. Les Verts, qui servent traditionnellement de force d’appoint aux socialistes au second tour, profitent de la prise de conscience de l’urgence écologique et ambitionnent de s’imposer à Besançon, Tours, Rouen ou bien sûr Grenoble, quand le PS tentera surtout de conserver ses bastions, de Paris, Lille, Rennes ou Nantes.

Le RN semble quant à lui en passe de conserver ses mairies conquises en 2014 -parfois dès le premier tour- et tentera de renforcer son implantation avant les régionales de 2021.

La barre relativement basse (10% des suffrages exprimés au premier tour) au-dessus de laquelle une liste peut se maintenir devrait se traduire par une multiplication des triangulaires, voire des quadrangulaires, au second tour.

Avec l’effacement du clivage droite/gauche et la multiplication des listes « sans étiquette », les résultats du scrutin s’annoncent particulièrement difficiles à décrypter et les discussions d’entre-deux-tours cruciales.

A l’issue du vote dimanche, les candidats autorisés à se maintenir auront jusqu’à mardi 18H00 pour trouver des alliés ou fusionner leurs listes en vue du second tour. Un rendez-vous dont la tenue dépendra encore de l’évolution sur le front du coronavirus.

Lien