Des journalistes et représentants de la société civile d’Arménie ont exprimé leurs vives inquiétudes concernant les restrictions sur les media imposées conformément aux termes de l’état d’urgence décrété par le gouvernement pour tenter d’endiguer la propagation du coronavirus, et ont appelé le gouvernement à “mettre fin à la censure”.
En vertu de l’état d’urgence décrété par le gouvernement arménien le 16 mars, les media et les utilisateurs de reseaux sociaux en Arménie font face à des amendes et autres sanctions administratives s’ils diffusent des informations relatives à la situation créée par le coronavirus qui “ne s’inspirent pas des informations provenant de sources officielles”.
Le gouvernement a affirmé que cette mesure était necessaire afin d’empêcher “la montée de la panique” durant la période de 30 jours sous état d’urgence, qui avait été déclaré pour tenter d’endiguer la propagation du virus qui s’est pourtant répandu depuis, passant de 30 cas avérés alors à 110 cas au moins. Deux organes de presse – les quotidiens Aravot et Hraparak –, qui sont connus par ailleurs pour leurs positions généralement critiques à l’encontre du gouvernement Pachinian, ont d’ores et déjà dû soit supprimer certains de leurs articles, soit les diffuser au risqué d’amendes allant de 500 000 à 800 000 drams (1 000 à 1 600$).
Hraparak avait été sermonné au sujet de son article concernant le malaise dans les prisons et les doléances des détenus, dont le quotidien affirme qu’il est sans lien avec la situation créée par le coronavirus. Le quotidien a pourtant accepté de retirer l’article incriminé, tout en faisant savoir qu’il n’en resterait pas là s’il était à nouveau rappelé à l’ordre par le pouvoir.
Dans sa page Facebook, le directeur de publication de Hraparak évrivait notamment : “L’état d’urgence a été introduit pour renforcer l’emprise sur les media”.
Après une mise en garde de la police, Aravot.am avait néanmoins publié un article qui mentionnait des dissimulations délibérées de cas de coronavirus en Russie. Anna Israyelian, la ditrectrice de publication du site Aravot.am, a souligné que dans un message posté sur sa page Facebook, le premier ministre arménien Nikol Pachinian avait fait des commentaires qui semblaient “en accord avec cette enquête”, en rappelant notamment que “certains pays ne reflètent pas la réalité de la situation actuelle du coronavirus”. “Bien que la demande des autorités soit dénuée de tout fondement, car je ne pense pas qu’un article sur des cas [de coronavirus] dissimulés en Russie serait de nature à créer un mouvement de panique dans la société arménienne, et estimant que dans cette délicate situation nous diffusons un article ayant trait à la santé publique, nous avons décidé de de pas aller à l’encontre de cette demande et d’éditer l’article sur notre site d’information en ligne”, a précisé A.Israyelian, qui a désigné la réponse du gouvernement comme inadéquate. Elle a ainsi souligné que faute de critères clairs quant à la “création de mouvement de panique”, la politique du gouvernement laisse la porte ouverte à l’arbitraitre visant les media.
A.Israyelian a appelé les autorités à réexaminer leur approche, en soulignant que “ce n’est pas en contraignant les media au silence et en les incitant à cacher les faits, non seulement au sujet de la situation dans le pays mais aussi dans le reste du monde, qu’on améliorera la situation des personnes infectées”. Daniel Ioannisian, un représentant de l’ONG Union des citoyens informés, a désigné lui aussi comme de la “sensure” pure et simple le traitement infligé aux media durant l’état d’urgence, ce qui ne pourra avoir que des conséquences négatives, à commencer par la méfiance de l’opinion concernant les informations fournies par le gouvernement.
D.Ioannisian a indiqué que les gouvernements les plus démocratiques dans le monde, qui ont décrété l’état d’urgence en raison de la pandémie de coronavirus, se sont gardés de censurer les media . “Dans les pays démocratiques, les media ne sauraient être soumis à la censure ni à quelque limite dans la liberté d’expression”, a indiqué D. Ioannisian, en appelant le gouvernement à lever ces restrictions imposées aux media arméniens.