Alors que les professionnels du secteur s’inquiète de voir que plus de 100.000 personnes dans les Ehpad pourraient mourir du coronavirus et que des nouveaux décès sont annoncés chaque jour, l’AFP a recueilli les témoignages de familles.
La situation dans les Ehpad en pleine épidémie de Covid-19 inquiète. Chaque jour, de nouveaux décès sont signalés. Ceux-ci ne sont d’ailleurs pas comptabilisés dans les chiffres des décès officiels de l’épidémie car ils ne surviennent pas à l’hôpital. Des familles ont témoigné auprès de l’AFP.
«On dirait que c’est la roulette russe et qu’il faut juste attendre son tour», affirme Eugène, qui craint le coronavirus pour la vie de son père, 87 ans, hébergé dans un Ehpad près de Lille.
«Peu protégées» il y a encore quelques semaines face à l’épidémie de Covid-19, selon des témoignages recueillis par l’AFP, les personnes âgées vivant en maison de retraite médicalisée, au nombre de 608.000 en France, ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête, de l’avis des familles.
«Je suis très angoissé, c’est terrible, on dirait qu’un drame se joue à huis clos et que personne ne nous dit rien», témoigne Eugène, 63 ans, qui imagine son père «seul et désarmé dans sa chambre, sur son fauteuil, à attendre le Covid lui tomber dessus».
Beaucoup de familles s’interrogent sur le nombre exact de décès de Covid-19 dans les Ehpad, après que les autorités de santé ont reconnu cette semaine une zone d’ombre dans le décompte.
Depuis que sa mère, 85 ans, avec qui elle communique depuis le balcon de sa chambre à Rennes, lui a assuré qu’il y avait «12 cas positifs» dans l’Ehpad, Martine ne décolère pas.
«Il y a trois semaines encore, aucun des soignants n’avait de masque et il y a encore quelques jours l’un d’eux a injecté des gouttes dans les yeux de ma mère sans masque», tempête cette femme de 60 ans, qui dénonce une «omerta».
«Depuis le début, le directeur nous envoie des courriels nous présentant des interdictions, avec des phrases surlignées en rouge et des polices de caractère de plus en plus grosses, mais il ne nous dit rien de la situation, ni si nos parents seront admis en réanimation s’ils présentent des symptômes», critique la Rennaise.
Interrogée, sa mère se montre plutôt fataliste. «Si on doit l’attraper, alors c’est comme ça. De toutes façons, je ne souhaite pas vivre jusqu’à 107 ans», assure cette ancienne infirmière, qui se fait tout de même «livrer» par sa fille via un système de cordes, par le balcon, des yaourts et du chocolat.
Dans cet Ehpad privé associatif, trois résidents sur 84 ont été testés positifs au Covid-19, et une dizaine d’autres, qui présentent des symptômes, ont été confinés dans leur chambre.
«On ne sait pas où on va, on flippe tous», confie le directeur, qui a mis en place un accompagnement psychologique pour le personnel, en cas de décès trop importants.
Face à une actualité «hyper anxiogène», Gaëlle, 55 ans, avoue être «un peu dans le déni». «Entre les canicules, les épisodes grippaux, si ce n’est pas le Covid, ce sera autre chose», lâche cette fille d’une femme de 86 ans, atteinte d’Alzheimer.
Béatrice, cadre de 62 ans, raconte elle aussi ne pas «se poser trop de questions» et communique tous les soirs via Skype avec sa mère, hébergée dans un Ehpad d’Yvetot (Seine-Maritime). «J’espère que l’Ehpad sera épargné», confie-t-elle.
«Cette ambiance me fait penser à l’Occupation, car plus personne ne peut bouger, tout est arrêté, c’est bizarre», témoigne sa mère Thérèse, 95 ans, même si rien n’a changé selon elle dans l’établissement. «Le personnel est comme d’habitude, sans masque», dit-elle.
Parmi les plus grandes peurs, celle de ne pouvoir revoir l’être cher depuis que les visites ont été interdites, en cas de déclenchement brutal de la maladie ou de décès.
«La dernière fois que j’ai vu ma mère, elle était très agressive, alors j’espère que ce n’est pas la dernière fois que je la voyais car c’est un très mauvais souvenir et son état change tellement rapidement», espère Gaëlle.
Martine, elle, craint que sa mère tombe malade et qu’on ne le lui dise pas. Joëlle, dont la mère vit dans un Ehpad du Val-de-Marne, ne l’a pas vue depuis le 9 mars.
«Maman a la maladie d’Alzheimer et je ne sais pas dans quel état je vais la retrouver dans un mois ou plus. Ma grande crainte, c’est de ne pas la revoir», redoute-t-elle.