L’alcool, denrée de première nécessité en temps de coronavirus? Si certains pays l’ont interdit, d’autres ont choisi de laisser ouverts les magasins spécialisés. Pour des raisons économiques, sanitaires ou parce qu’un «verre de vin peut aider» à supporter le confinement.
Contrairement à l’Afrique du sud qui a banni la vente de l’alcool pendant l’épidémie de coronavirus, de nombreux pays européens ou nord-américains ont autorisé les magasins spécialisés à rester ouverts au même titre que les commerces «essentiels» comme les supermarchés ou les pharmacies.
Au Canada, c’est également le cas des boutiques de cannabis, drogue douce légale depuis fin 2018.
Au Québec, le Premier ministre François Legault a justifié cette décision par le risque de «chaos» en cas de fermeture. Tout en ajoutant que «parfois, un verre de vin peut aider» à réduire le stress.
«Si on avait fermé les magasins vendant de l’alcool, il y aurait eu une perte potentielle de revenus importants pour les gouvernements», confirme à l’AFP Catherine Paradis, analyste au Centre canadien sur les dépendances et l’usage des substances, précisant que la vente d’alcool rapporte chaque année environ 411 dollars par Canadien à l’État.
En raison du confinement, «tout le monde a un peu l’impression qu’on est vendredi ou samedi tout le temps», constate cette experte, notant une hausse de la consommation d’alcool au sein de la population.
Business juteux, la Société des Alcools du Québec (SAQ) a versé 1,146 milliard de dollars canadiens (738 millions d’euros) au Trésor public québécois en 2019. Elle connaît actuellement une fréquentation en magasins similaire à celle «au cours des semaines qui précèdent Noël» et des commandes en ligne «comparables au Black Friday».
De l’autre côté de la frontière, le gouverneur de New York, épicentre de l’épidémie aux États-Unis, a lui aussi placé les magasins de vins et spiritueux sur la liste des commerces jugés «essentiels».L’association des magasins d’alcool de l’État de New York a confirmé que les ventes avaient sensiblement augmenté. «D’une certaine façon, nous aidons l’économie», a assuré son président, Stefan Kalogridis à l’AFP.
De plus, la fermeture des magasins d’alcool pourrait conduire à une augmentation de l’anxiété et du stress auprès de nombreux consommateurs d’alcool, notent plusieurs experts.
En cas de sevrage forcé, les personnes dépendantes peuvent ressentir durant plusieurs jours des effets secondaires: tremblements, insomnies, nausées, etc.
«Quelqu’un qui du jour au lendemain ne pourrait plus consommer (d’alcool) pourrait avoir de graves complications, surtout si la personne est confinée chez elle, c’est très très dangereux», assure à l’AFP Anne-Elizabeth Lapointe, directrice du Centre québécois de lutte aux dépendances.
En France, où les cavistes ont pu rester ouverts, l’alcoolier Pernod Ricard, numéro deux mondial du secteur, puis Bacardi, ont été parmi les premiers à convertir une partie de leur production en gel hydroalcoolique.
Le marché noir participe aussi à l’effort de «guerre»: en Pologne, près d’un demi-million de litres de vodka de contrebande et d’alcool pur, produit illégalement, sont utilisés comme désinfectant dans la lutte contre le coronavirus, au lieu d’être détruits.À l’inverse de la cheffe de l’exécutif hongkongais Carrie Lam, qui a ordonné à tous les restaurants et bars de ne plus en servir, au motif qu’un accès facile à l’alcool pourrait nuire aux recommandations visant la distanciation sociale.
«Parfois les gens deviennent un peu plus proches lorsqu’ils sont ivres, ce qui augmente le risque d’infection», a-t-elle expliqué.
«Le risque le plus inquiétant», s’alarme Catherine Paradis, est celui d’une «augmentation de la violence familiale et de la violence entre conjoints».
Pour limiter celles-ci, le Groenland a provisoirement interdit la vente d’alcool dans sa capitale Nuuk et sa région, le fléau étant majoritairement lié à la consommation d’alcool et de stupéfiants.