Feu sur l’OMS: en pleine pandémie, Donald Trump a pris le risque d’une crise diplomatique avec l’institution au coeur de la riposte. Même si l’offensive est parfois jugée intempestive, l’accusation de biais prochinois de l’Organisation mondiale de la santé trouve un large écho aux Etats-Unis.
L’incendie couvait dans les propos de plusieurs faucons républicains, qui reprochent à cette agence de l’ONU d’avoir aidé la Chine à « dissimuler » la gravité de l’épidémie lorsqu’elle a fait son apparition fin 2019.
Certains, comme les sénateurs Marco Rubio et Ted Cruz, réclament même la tête du directeur général de l’organisation basée à Genève, Tedros Adhanom Ghebreyesus, dont les cercles trumpistes aiment à rappeler qu’il a été membre du Parti communiste éthiopien. Ce qui en fait à leurs yeux un allié indiscutable de Pékin.
Le président des Etats-Unis a allumé la mèche par un tweet, mardi.
« L’OMS s’est vraiment plantée », a-t-il lancé, avant de déplorer ses prises de positions « très favorables à la Chine ». Et de menacer de suspendre la contribution américaine à l’agence internationale.
Une menace qui, mise à exécution, aurait des conséquences graves. Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo avait préparé le terrain en soulignant que les Etats-Unis étaient le premier contributeur de l’OMS, avec plus de 400 millions de dollars l’an dernier, soit « dix fois le montant chinois ».
Comme souvent avec le milliardaire républicain, l’attaque a été aussi virulente que peu précise.
Mais à Washington, on ne cache plus les griefs à l’encontre de l’OMS et son patron: un alignement sans analyse critique sur les éléments partagés par la Chine, notamment l’affirmation prématurée de l’absence de preuves d’une transmission du coronavirus entre humains.
Facteur aggravant: les félicitations adressées par le Dr Tedros aux autorités chinoises pour leur « transparence ».
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Donald Trump lui-même a été particulièrement agacé par les critiques de l’OMS à l’encontre de sa décision, prise fin janvier, d’interdire l’entrée aux Etats-Unis aux voyageurs en provenance de Chine – une mesure dont le locataire de la Maison Blanche s’enorgueillit encore, assurant qu’elle a ralenti l’arrivée.
Tout cela fait de l’OMS « un complice de la flagrante opération de dissimulation du Covid-19 par la Chine », a dénoncé John Bolton, l’ex-conseiller du président américain qui résume souvent la pensée du camp souverainiste. Ce manque de transparence, accuse l’administration Trump, a coûté la vie à des milliers de personnes.
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Fallait-il pour autant ouvrir ce nouveau front alors que la « guerre » contre la pandémie est loin d’être gagnée?
Le patron de l’OMS a appelé à ne pas « politiser le virus », soutenu par celui des Nations unies, Antonio Guterres, qui a estimé que ce n’était « pas le moment » de critiquer une organisation « essentielle ».
Côté européen, on juge aussi que l’heure doit être à la mobilisation et à la coopération, avant de tirer les leçons qui doivent l’être.
Aux Etats-Unis, les détracteurs de l’ex-magnat de l’immobilier le soupçonnent de vouloir se dédouaner de ses propres tergiversations, lorsqu’il minimisait la gravité de l’épidémie. Et de poursuivre sa croisade tous azimuts contre les institutions multilatérales.
Dans le camp conservateur, on estime également qu’il serait peu avisé de couper les vivres de l’OMS en pleine crise, mais on salue la fermeté affichée depuis mardi.
Selon l’élu républicain du Congrès Chris Smith, Donald Trump se sert à juste titre de la menace de suspension comme moyen de pression pour que l’agence internationale accepte une enquête sur les débuts de l’épidémie.
« Les habitants de la planète méritent une OMS qui soit absolument transparente », a-t-il dit à l’AFP. « Des gens meurent dans ma circonscription, aux Etats-Unis, en Europe et ailleurs en raison de ce qui, selon nous, a été très très mal géré, pour le dire de la manière la plus diplomatique possible ».
Car nombre d’observateurs conviennent que l’organisation n’a pas toujours été exemplaire.
J. Stephen Morrison, du cercle de réflexion Center for Strategic and International Studies, reconnaît qu’elle mérite quelques « critiques » pour avoir salué de manière « exagérée » la réaction chinoise et pour avoir tardé à déclaré l’urgence sanitaire mondiale.
Pour Elizabeth Economy, du think tank Council on Foreign Relations, « le fait que Taïwan ait mis en place une des meilleures réponses mondiales au Covid-19 et malgré tout n’ait pas accès aux briefings de l’OMS », « uniquement parce que Pékin ne veut pas », ne fait que renforcer les reproches américains.
Au fond, l’attaque anti-OMS est aussi une autre manière pour l’administration Trump de poursuivre son offensive anti-Chine, au moment où les deux puissances ont décrété une trêve dans leur guerre des mots.
Evoquant les erreurs présumées de l’agence onusienne, l’élu Chris Smith fait ainsi mine de se demander si « c’est de l’incompétence » ou « autre chose » – « et avec le gouvernement chinois c’est souvent autre chose, la vérité étant toujours la première victime ».