Face au coronavirus, l’inquiétude grandit pour les derniers témoins de la Seconde Guerre mondiale

Particulièrement vulnérables face au Covid-19, plusieurs grandes figures de la Seconde Guerre mondiale, déjà très âgées, ont été emportées par le virus. Face à la disparition de ces mémoires vivantes, les musées réfléchissent déjà à de nouvelles formes de transmission.

Frida Wattenberg avait 95 ans. Elle a succombé au coronavirus, vendredi 3 avril, à l’Ehpad de la Fondation Rothschild, à Paris, quatre jours avant son 96e anniversaire. Symbole de la Résistance juive, elle avait aidé pendant la guerre à faire passer de nombreux enfants en Suisse. Léa Figuères avait un an de plus. Ancienne résistante dans la région lyonnaise et militante communiste, elle aussi a été terrassée par le Covid-19. Elle est décédée, lundi 6 avril, à l’hôpital de Clamart.

Héros des Forces françaises libres, combattant de Bir Hakeim et du débarquement de Provence, Henri Ecochard a également été emporté, le 3 avril, à 96 ans, alors qu’il se trouvait dans une maison de retraite de la région parisienne. Son frère d’armes, Rafael Gómez Nieto, le dernier survivant de la « Nueve », cette première colonne, constituée pour l’essentiel de républicains espagnols, à avoir pénétré dans Paris occupé le 24 août 1944, n’a pas non plus résisté au virus. Il est décédé le 31 mars, à 99 ans, dans une clinique près de Strasbourg.

En quelques jours, les hommages rendus à des figures de la Résistance se sont multipliés sur les réseaux sociaux. Alors que la France est frappée de plein fouet par la pandémie de coronavirus, le bilan est particulièrement lourd chez les plus anciens. Avec eux, c’est tout un pan de notre mémoire qui disparaît.

« Plus disciplinés que la moyenne des Français »

« Frida Wattenberg était une personnalité. Elle connaissait tout le monde et tout le monde la connaissait », décrit Sophie Nagiscarde, responsable des activités culturelles au Mémorial de la Shoah. « Elle était adorable. C’est quelqu’un qui a cherché toute sa vie à remettre en contact les familles séparées par la guerre. Elle n’a jamais arrêté ».

Cette historienne ne cache pas sa peine depuis la disparition de cette « femme de cœur et combattante infatigable ». Mais pour autant, elle n’est pas particulièrement inquiète pour la communauté des rescapés, des hommes et des femmes âgés de plus de 90 ans ou même déjà centenaires. Pour l’instant, elle n’a pas entendu parler d’autres décès parmi ceux qui interviennent régulièrement au Mémorial de la Shoah. « Nous avions prévu un cycle de conférences en lien avec notre dernière exposition ‘La voix des témoins' », mais nous avons dû l’annuler. « Parmi ceux qui devaient y participer, aucun n’est malade », souligne-t-elle. « Ils se sont confinés sérieusement. Ils ne sont pas de toute jeunesse, alors ils font attention depuis le début. Ils ont bien conscience que cette situation est assez exceptionnelle ».

Lionel Boucher, secrétaire de la Commission nationale de la médaille de la Résistance française à l’Ordre de la Libération, affiche lui aussi la même sérénité. « Je n’ai pas de contact avec tous les médaillés de la Résistance, mais en ce qui concerne les membres de notre commission, ils vont bien », explique-t-il. « Cela ne les change d’ailleurs pas trop dans leur quotidien. Pour ceux qui vivent encore chez eux, ils sont souvent seuls et ils ne sortent plus beaucoup. De toute façon, ils sont beaucoup plus disciplinés que la moyenne des Français et ils savent le mal que la maladie peut leur apporter ».

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