Pour Erdogan, la pandémie est une arme politique à double tranchant

Refus du confinement total, concurrence avec l’opposition pour l’aide sociale… La gestion autoritaire de la crise du président turc pourrait se retourner contre lui.

 

« Aucun ennemi n’est plus fort que la concorde nationale ! Si Dieu le veut, nous vaincrons la menace du coronavirus avec notre unité et notre fraternité », martelait le président turc Recep Tayyip Erdogan au début de la pandémie. Un voeu pieux dont l’illusion a très peu duré. Car sa pratique autoritaire du pouvoir a rapidement repris le dessus, avec une gestion aussi politique que controversée de la crise. Mercredi 14 avril, face au risque sanitaire que fait peser la surpopulation carcérale, les députés turcs ont voté une loi d’amnistie et de libération anticipée qui devrait permettre l’élargissement de 90 000 détenus, soit un tiers des prisonniers du pays.

Une loi aussitôt décriée par l’opposition, car elle prévoit la libération, sous condition, de certains détenus de droit commun, en particulier le célèbre parrain de la mafia turque Alaattin Çakici, très proche de Devlet Bahçeli, le président du MHP, le parti d’action nationaliste. Or le MHP est un allié indispensable de la coalition gouvernementale. En revanche, cette loi exclut tous les opposants politiques, condamnés pour des crimes envers l’État, et qui tombent sous le qualificatif de « terrorisme ». C’est le cas d’Osman Kavala, le « milliardaire rouge », richissime mécène et opposant qui avait soutenu les grandes manifestations en 2013.