Dans un foyer de personnes âgées de Budapest, le nouveau coronavirus a tué plus que n’importe où en Hongrie. L’établissement est devenu le dernier terrain d’affrontement entre le gouvernement de Viktor Orban, aux pouvoirs accrus, et son opposition assiégée.
Entre le Premier ministre nationaliste et le maire libéral de la capitale, tous les arguments sont bons pour se renvoyer la responsabilité de ce foyer de contaminations. Sur 1 500 résidents, 284 ont été infectés par le Covid-19 et 28 personnes sont mortes, soit 11% des 239 décès officiellement liés au virus en Hongrie.
La directrice générale de la santé, nommée par le gouvernement, a d’abord accusé l’établissement municipal d’avoir laissé ses pensionnaires sans médecin durant plus d’une semaine. Viktor Orban a menacé d’une action en justice une fois la crise passée.
Niant cette absence de médecin, le maire de Budapest, Gergely Karacsony, a publié des documents prouvant selon lui une carence en équipements de protection imputable à l’échelon national. Cet élu, à l’expression d’ordinaire mesurée, accuse la majorité d’avoir « menti effrontément ».
Pour les adversaires du gouvernement, le Premier ministre et son entourage instrumentalisent ce drame pour poursuivre leur travail de sape de l’opposition.
Accusé de dérives autoritaires depuis son retour à la tête de la Hongrie, il y a bientôt 10 ans, Viktor Orban a fait voter au début de la pandémie une loi d’état d’urgence qui renforce considérablement ses pouvoirs pour une durée indéterminée.
A rebours de l’union sacrée qui a prévalu dans beaucoup de pays européens au début de la pandémie, le Premier ministre a affirmé que la Hongrie « n’avait pas besoin » de l’opposition pour maîtriser l’épidémie.
Le dirigeant de 56 ans « déroule actuellement une rhétorique selon laquelle il serait le seul à pouvoir sauver le pays », estime le politologue Robert Laszlo, du groupe de réflexion Political Capital.
Il a fait fermer les frontières, instauré un confinement de la population et ordonné l’évacuation controversée de la moitié des 66 000 lits d’hôpitaux afin de pouvoir accueillir tous les malades du coronavirus en cas de propagation de l’épidémie.
Officiellement, le pays est relativement épargné avec 2 300 cas sur une population d’un peu moins de dix millions d’habitants. Mais le taux de mortalité des personnes infectées -plus de 10%- est l’un des plus mauvais de l’UE, tout comme le nombre de tests pratiqués.
Or une gestion ratée de la crise pourrait constituer « une potentielle menace » pour la popularité du gouvernement, selon un autre analyste, Daniel Hegedus. Pour Robert Laszlo, le dirigeant se cherche donc de « potentiels boucs émissaires à pointer du doigt si cela tourne mal ».
En s’imposant aux municipales d’octobre face au candidat du pouvoir, le maire de Budapest, âgé de 44 ans, est devenu le symbole de l’unité retrouvée de l’opposition qui a remporté 10 des 23 plus grandes villes du pays
Résultat : les nouveaux maires estiment être devenus les bêtes noires du gouvernement.
Le Premier ministre a ordonné le transfert de certaines recettes fiscales municipales vers un fonds d’urgence créé pour amortir les conséquences du coronavirus. En vertu des nouveaux pouvoirs du gouvernement, un décret a également instauré durant le confinement la gratuité du stationnement dans les villes, privant celles-ci d’une autre source de revenus.
Un décret paru la semaine dernière a décidé qu’une taxe professionnelle due par une usine du géant sud-coréen de la téléphonie Samsung sera désormais reversée au canton tenu par le Fidesz, plutôt qu’à la ville où l’entreprise est implantée, gérée par l’opposition.
Dans la presse, le gouvernement hongrois balaie toute polémique: sa décision va créer des emplois, l’usine jouissant désormais d’un statut de « zone économique spéciale ».
« On nous condamne à mort d’un coup de crayon en nous faisant perdre un tiers de nos rentrées d’argent », dénonce le maire de cette ville nommée God, Csaba Balogh.
Le maire de Budapest avertit que la capitale est « au bord de la faillite ».
Le gouvernement n’a pas répondu aux questions de l’AFP sur la controverse de la maison de retraite.
« L’opposition joue sa partition en se victimisant avant les élections législatives de 2022 et c’est bien normal », relativise Agoston Mraz, chercheur de l’institut proche de la majorité, Nezöpont.