En Espagne, le gouvernement se bat contre pandémie et opposition

Depuis le début de la pandémie, le gouvernement espagnol, minoritaire, doit se battre sur deux fronts : contre le coronavirus et contre une opposition qui ne lui laisse aucun répit, contrairement à ses voisins européens immédiats.

Partis de droite et indépendantistes catalans accablent le Premier ministre Pedro Sanchez, un socialiste qui gouverne avec la gauche radicale Podemos, de critiques sur sa gestion de la crise dans le pays qui compte le plus de morts du Covid-19 par million d’habitants, derrière la Belgique.

Ils l’attaquent tantôt sur le manque de matériel de protection pour le personnel soignant, tantôt l’achat en Chine de 650 000 tests de diagnostic déficients qui ont dû être renvoyés.

Les administrations régionales de Madrid et de Catalogne mettent en doute le bilan officiel des morts et affirment qu’il y en a des milliers de plus dans les maisons de retraite.

Le chef de l’opposition conservatrice Pablo Casado, du Parti Populaire, traite M. Sanchez de « menteur » et lui reproche « de cacher la vérité aux Espagnols ». Son Parti Populaire a voté jusqu’ici les prolongations successives de l’état d’urgence mais il refuse de s’engager à coopérer pour redresser le pays après la crise.

A l’extrême droite, Santiago Abascal, chef du troisième parti du pays, Vox, traite le socialiste de « charlatan responsable de l’augmentation du nombre de morts ». Il déposé une plainte pour que le gouvernement « assume d’éventuelles responsabilités pénales ».

Pedro Sanchez peut regarder avec envie au delà des frontières.

Au Portugal le socialiste Antonio Costa gouverne en minorité mais le chef de l’opposition de droite, Rui Rio, lui a apporté son soutien en ces termes: « nous aiderons en tout ce que nous pourrons. Nous vous souhaitons du courage, des nerfs d’acier et beaucoup de chance, parce que votre chance est notre chance ».

En France, le gouvernement d’Emmanuel Macron dispose d’une large majorité pour faire approuver ses mesures anti-pandémie par le parlement.

« Il est évident qu’il y a eu des erreurs » dans la gestion de la crise et qu’il y aura une « concurrence féroce » pour désigner des coupables alors qu’une grave crise économique s’annonce, constate Berta Barbet, chercheuse à l’Université autonome de Barcelone.

Mais « on ne joue pas particulièrement franc jeu ».

Pablo Casado a ainsi cité pour appuyer ses critiques une étude australienne qui plaçait l’Espagne au dernier rang de 32 pays dans la gestion de la pandémie. L’étude en fait avait été réalisée par une association de comptables sans expérience en épidémiologie.

« L’Espagne a toujours été un pays très polarisé, sans vraiment d’espace au centre », analyse Berta Bartet, qui attribue l’agressivité du Parti Populaire (PP) à une « lutte dure pour récupérer l’hégémonie à droite. Il ne peut pas laisser Vox occuper une partie de son espace politique ».

Le PP « semble se réjouir qu’il y ait tant de morts en Espagne », estime même le politologue Fernando Vallespin, pour qui l’opposition conservatrice a « un problème de patriotisme ».

Il trouve « injuste » la critique de la région de Madrid, gouvernée par le PP, qui attribue au coronavirus plus de 5.800 morts dans les maisons de retraite, quand ces maisons relèvent de la compétence des régions.

Pour un haut responsable du gouvernement, « ce qui a fonctionné le plus mal dans cette crise, c’est le système politique espagnol ».

Dans ce pays très décentralisé, les régions critiquent régulièrement la gestion de Madrid. Le Pays basque et la Catalogne accusent le gouvernement central d’utiliser la pandémie pour empiéter sur leur autonomie.

Mais les indépendantistes qui gouvernent en Catalogne vont encore plus loin.

La porte-parole du gouvernement séparatiste, Meritxell Budó, a soutenu que dans une Catalogne indépendante « il n’y aurait pas eu autant de morts ni autant de contagion ».

« Une Catalogne indépendante aurait sauvé des milliers de vies… L’Espagne c’est le chômage et la mort, la Catalogne la vie et l’avenir » a twitté le président de la Chambre de Commerce de Barcelone, Joan Canadell.

« C’est le résultat du discours hégémonique qui s’est installé en Catalogne », celui des séparatistes, qui crée « une ambiance de victimisation et de griefs », a déclaré à l’AFP Nicolas de Pedro, analyste de la désinformation au Institute for Statecraft, un think-tank basé à Londres.

Un discours qui selon lui « envenime les positions et augmente le niveau de haine » entre partisans et adversaires de la sécession.

Lien