« On les attend avec impatience »: les agriculteurs français espèrent voir rapidement les frontières rouvrir pour les saisonniers étrangers, la pénurie de main-d’oeuvre s’aggravant à l’aube de la pleine saison des récoltes.
Les agriculteurs ont accueilli avec soulagement la semaine dernière l’annonce par le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner de « dérogations supplémentaires » pour franchir la frontière avec un pays européen, notamment « un motif économique impérieux » pour les travailleurs saisonniers agricoles.
Elle tarde toutefois à se concrétiser. Lundi, 200 saisonniers espagnols ont été refoulés à la frontière avec les Pyrénées-Orientales, a confirmé à l’AFP le préfet Philippe Chopin. La semaine précédente, 73 Bulgares – dont certains venaient travailler dans le maraîchage – avaient été refoulés à l’aéroport de Roissy.
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Les étrangers représentent habituellement au moins un tiers de la main-d’oeuvre saisonnière agricole, selon le premier syndicat FNSEA.
Après la fermeture des frontières pour freiner l’épidémie de Covid-19, les besoins n’ont été que partiellement couverts par l’appel aux personnes en chômage partiel à rallier les champs, en dépit de l’afflux de candidatures sur la plateforme dédiée.
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Les agriculteurs eux-mêmes étaient réticents à recruter des néophytes dont la disponibilité n’était pas garantie au-delà du confinement.
Pour faire tourner ses exploitations maraîchères, arboricoles et ses vignobles, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est particulièrement impatiente de retrouver la main-d’oeuvre étrangère.
D’ordinaire, plus de la moitié de ses saisonniers ne sont pas des résidents français, selon le président de la Chambre régionale d’agriculture et vice-président de Chambres d’agriculture France, André Bernard: il s’agit d’Européens (Espagnols, Portugais, Roumains, Bulgares…), mais aussi de Tunisiens et Marocains recrutés via les contrats de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
Concernant ces « contrats OFII », aucune dérogation n’est attendue et « environ 5.000 personnes n’ont pas la capacité de venir » en PACA, souligne André Bernard. Quant aux Européens, « il tarde qu’ils puissent arriver. Ça a été annoncé, il faut que ça se débloque rapidement », insiste-t-il.
Mercredi matin sur RTL, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a annoncé un arbitrage « dans la journée ou demain car nous avons besoin de cette main-d’oeuvre pour faire tourner l’agriculture française ».
Les dérogations concerneraient « les ressortissants d’un pays membre de l’Union européenne munis d’un contrat de travail (…) avec une exploitation agricole établie en France », a-t-il ajouté.
« Les conditions dans lesquelles les exceptions aux restrictions de circulation à nos frontières pourraient s’étendre aux travailleurs saisonniers sont encore à l’étude », a précisé de son côté le ministère de l’Intérieur à l’AFP.
Alban Lambertin cultive du raisin de table dans le Vaucluse. Pensant que le feu vert des autorités était acquis, il a voulu faire venir dès lundi quatre Espagnols dotés d’un contrat de travail « et ça ne s’est pas passé du tout comme prévu ».
A la frontière, « ils leur ont dit de rentrer chez eux et de ne pas se représenter », décrit-il. « Ce sont des gens peu aisés, c’est un coût pour eux d’aller en France. J’ai pris en charge l’hôtel mais ça reste compliqué. »
D’autant, ajoute-t-il, que « la végétation a dix, quinze jours d’avance, ça commence à devenir critique » pour les producteurs.
Egalement dans le Vaucluse, Frédéric Vève espère voir arriver d’Andalousie une quinzaine de travailleurs pour récolter ses cerises et préparer ses vignes: « On les attend avec impatience. Ils connaissent tout par coeur et on les apprécie beaucoup. »
Jusqu’ici, Frédéric Vève avait réussi à combler ses besoins avec des gens du coin. Surveillante scolaire, cantinière, charpentier… « J’ai embauché une dizaine de Français qui n’avaient jamais vu de vignes de leur vie et qui ont fait un travail super. » Mais la plupart des personnes en chômage partiel vont progressivement reprendre leur activité avec le déconfinement.
Et, même avec la meilleure volonté, ces novices n’égalaient pas la productivité des étrangers aguerris, renchérissant le coût des fruits et légumes.
« Quand on a l’habitude de faire la cueillette de fraises, on fait les bons choix, on les dépose dans la barquette de la bonne façon… Celui qui débarque tâtonne un peu, il y a moins de volumes et besoin de contrôler davantage », relève Raymond Girardi, vice-président du syndicat agricole Modef, estimant que la récolte revient « un tiers plus cher » avec les néo-saisonniers.
Pour lui comme pour André Bernard, il faudra revaloriser ce travail pour renouer durablement avec la main-d’oeuvre française, et espérer prétendre à l’indépendance agricole prônée au sommet de l’Etat.