À peine sortis du confinement, quelques milliers de contribuables français vont commencer à sentir de violents frissons.
La Suisse va communiquer en juin au fisc français l’identité des propriétaires de 45 161 comptes bancaires français ouverts entre 2006 et 2008 à UBS, la plus grande banque de gestion de fortune du monde. Des comptes dissimulés aux impôts et qui totaliseraient un peu plus de 11 milliards d’euros. Malgré tout, la Confédération laisse encore la possibilité aux propriétaires de ces comptes de s’opposer à l’entraide internationale.
Certes, cette opposition peut permettre de gagner un an, voire dix-huit mois avec un bon avocat, mais cette démarche risque de vous désigner encore davantage comme un mauvais contribuable. Il faut se souvenir que Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre du Budget, avait préféré avouer l’existence d’un compte dans une banque genevoise plutôt que de tenter de freiner la commission rogatoire internationale envoyée en Suisse. En effet, le 26 juillet 2018, le Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire de Suisse, a autorisé la communication des données personnelles de 40 000 clients tricolores d’UBS. Il s’agit d’une première. Depuis la fin du secret bancaire le fisc helvétique acceptait, certes, de collaborer avec les pays étrangers, mais à condition que les demandes soient individuelles et bien argumentées.
En revanche, Berne s’opposait à ce qu’elle appelait une fishing expedition. Comprenez, une demande globale et vague, du genre : « Donnez-nous les noms de tous les Français qui ont des comptes chez vous. » Le quotidien Le Temps de Lausanne explique que pour être acceptée, une requête groupée « doit s’appuyer sur un modèle de comportement frauduleux adopté par un groupe de clients d’un établissement, le tout supporté par des indices ». C’est ce qui semble être le cas concernant UBS. La principale banque suisse est accusée par la justice française d’avoir approché dans l’Hexagone de riches contribuables français, leur expliquant systématiquement comment échapper aux inspecteurs des impôts.
Le 20 février 2019, UBS a d’ailleurs été condamnée par le Tribunal de grande instance de Paris à une amende de 3,7 milliards d’euros (la plus grosse somme jamais réclamée par la justice française dans un dossier d’évasion fiscale), auxquels s’ajoutent 800 millions d’euros de dommages et intérêts « pour démarchage bancaire illégal et blanchiment aggravé de fraude fiscale ». Le procès en appel devait se tenir en juin prochain, mais il a été repoussé, en raison de la pandémie, à 2021.
Il est très vraisemblable que de nombreux propriétaires de comptes non déclarés ouverts à UBS aient déjà pensé à régulariser leurs situations vis-à-vis du fisc français. En effet, cette affaire est connue depuis… 2013. Et la demande d’entraide de la France auprès de l’administration fédérale des contributions remonte à… 2016. Néanmoins, on peut aussi parier que certains petits malins vont encore tenter de gagner quelques mois. Pourtant, le taux de succès des contribuables face aux demandes des fiscs étrangers ne cesse de s’amenuiser.
La Suisse ne serait donc plus un lieu béni pour les fraudeurs, alors que, il y a quelques années, ils représentaient jusqu’à 90 ou 95 % de la clientèle de certains établissements financiers ? Dorénavant, pour échapper aux impôts, on peut soit prendre la nationalité suisse, le secret bancaire n’a pas été aboli pour les possesseurs d’un passeport à croix blanche. Soit créer des sociétés où votre identité n’apparaît pas, à condition d’être suffisamment fortuné pour rémunérer des prête-noms. Enfin, plus malin encore, imaginer une fondation à but humanitaire : elle échappe encore à l’échange d’informations.