Artiste populaire aux multiples talents, Jean-Loup Dabadie, décédé à l’âge de 81 ans, aura bâti en une trentaine de films et quelques centaines de chansons un univers tendre et nostalgique qui colle à la mémoire des Français: il fait figure de parolier national des années 1960 – 1980, rapporte LaLibre.
« César et Rosalie », « Tous les bateaux, tous les oiseaux », c’est lui! « Les choses de la vie », « Ma préférence », « On ira tous au paradis », c’est encore lui!
Cheveux blancs soigneusement ordonnés, sourire éclatant, Dabadie, parolier et scénariste, écrivain et journaliste, promenait depuis les années 1960 sa silhouette de dandy dans le paysage culturel.
« Auteur musicien » pour Julien Clerc, « romancier du cinéma » pour François Truffaut, il pratiquait l’écriture et le rire sur commande sans céder sur la qualité.
Né en 1938 à Paris, Jean-Loup Dabadie, dont le père fut aussi parolier, publiait son premier roman, « Les yeux secs », à 19 ans. Il débutait alors dans le journalisme, collaborait à « Tel quel » au côté de Philippe Sollers et aurait pu devenir un auteur « sérieux », s’il n’avait expédié ses premiers sketches – « Paulette », « Le boxeur »… – à Guy Bedos durant son service militaire.
Depuis, ce fou de travail (et de tennis) aux allures de dilettante n’avait guère cessé en plus de quarante ans d’écrire : chansons, scénarios ou pièces de théâtre…
Au cinéma, son nom est associé aux films estampillés « qualité française » des années 1960 à 1980. Et c’est avec Claude Sautet qu’il connaît au début des années 1970 sa période la plus faste pour un triplé magique : « Les choses de la vie », « César et Rosalie » et « Vincent, François, Paul… et les autres ».
Il devait fournir alors en tubes plusieurs générations de chanteurs. Juliette Gréco, Yves Montand, Michel Sardou… Avec là encore deux rencontres majeures : Michel Polnareff, pour lequel il écrivit un hymne au bonheur partagé, « On ira tous au paradis », et Julien Clerc, avec qui il travaillera sur une dizaine d’albums – « Le coeur trop grand pour moi », « Femmes… je vous aime »… -.
La France de Dabadie est celle des copains dans les films d’Yves Robert, « Un éléphant ça trompe énormément », « Nous irons tous au paradis », qui triomphent dans les années 1970. Celle aussi de la tendresse bourrue et de la famille malmenée dans « La gifle » (1974) avec Isabelle Adjani et Lino Ventura.
Une France moyenne. Avec la crise économique, le chômage, les ruptures en toile de fond. Un monde de chefs d’entreprises à la dérive, de cadres licenciés, de jeunes qui débutent et de couples éclatés.
Une France de l’amitié, essentiellement masculine, et la crise de la quarantaine a longtemps été le point commun des personnages des films de Sautet et d’Yves Robert. Un univers tendre et joyeux, semé de gags, dans la lignée des grands scénaristes du cinéma français.
Ses derniers succès au cinéma remontaient au début des années 1980. Jean-Loup Dabadie sembla ensuite moins en phase avec son époque.
« Le métier de scénariste doit se faire dans une ombre infinie », aimait dire ce discret qui ciselait ses répliques loin du tapage du show-business.
Elu en 2008 et reçu l’année suivante à l’Académie française, ce passionné de tenis avait fréquenté l’Académie des sports bien avant le Quai Conti.
S’il a profondément marqué la culture populaire des années 1970-1990, son inspiration s’est ensuite essoufflée. Il venait cependant de terminer l’adaptation pour le cinéma d’un roman de Georges Simenon, « Les volets verts », dont le premier rôle devait être tenu par Gérard Depardieu.