Le professeur Jean-François Bergmann, ancien vice-président de l’ANSM, condamne les pseudo-sciences, dont l’hydroxychloroquine recommandée par Didier Raoult. Son efficacité a récemment été mise à mal dans une étude effectuée sur 96.000 patients.
C’est peut-être l’étude qui mettra fin à l’usage de la chloroquine contre le Covid-19 en France. Publiée vendredi 22 mai dans le Lancet, elle met en valeur l’inefficacité de ce médicament, lequel est même associé à un risque accru de mortalité. Le professeur Jean-François Bergmann, vice-président de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de 2003 à 2013, a commenté auprès du Parisien la polémique autour du traitement prôné par l’infectiologue Didier Raoult.
«Maintenant que la situation s’est calmée, on peut le dire haut et fort, ce monsieur se trompe!», lance-t-il, affirmant que suffisamment de preuves sont désormais réunies pour prouver l’inefficacité de cette molécule dans le traitement du Covid-19.
Il évoque l’étude menée sur 96.000 patients hospitalisés, dont les résultats ont démontré «une diminution de la survie à l’hôpital et une augmentation de la fréquence des arythmies ventriculaires» liée à la chloroquine, sans même pouvoir confirmer son efficacité.
Selon M.Bergmann, également ancien chef de médecine interne à l’hôpital Lariboisière à Paris, la lenteur des recherches en France a favorisé l’apparition de ces pseudo-sciences. «On s’en est pris plein la figure. Lui avait le traitement et nous, on était des crétins auxquels il refusait tout débat scientifique. On s’est tus avec élégance», confie-t-il. Il pointe par ailleurs la lourdeur administrative dans l’Hexagone concernant la validation des médicaments, regrettant que la recherche ne soit «pas assez valorisée».
Alors que d’autres grands essais cliniques sont toujours en cours, le professeur privilégie l’attente d’un vaccin, rappelant qu’aucun médicament ne traite encore aujourd’hui la varicelle, la rougeole ou les oreillons. Contre le nouveau coronavirus, les chercheurs ont privilégié dans l’urgence l’utilisation de médicaments déjà existants, mais les résultats sont «souvent décevants».
«Il faut traiter les symptômes et attendre le vaccin. Quand tous les gros labos s’y mettent, en général, ça marche. C’est un vrai espoir», conclut-il auprès du quotidien francilien.
Un jour après la publication de l’étude du Lancet, le ministre de la Santé, Olivier Véran a demandé au Haut conseil de la santé publique (HCSP) de proposer sous 48 heures «une révision des règles dérogatoires de prescription» de divers traitements, dont l’hydroxychloroquine.
Déjà restreint en France, son usage se fait uniquement en milieu hospitalier et pour les cas les plus graves. Cette molécule dérivée d’un antipaludéen pourrait donc ne plus être prescrite sur le territoire dans le cadre d’un traitement contre le Covid-19. Plus tôt cette semaine, Didier Raoult évoquait une «hallucination collective des médias sur l’hydroxychloroquine, l’un des médicaments les plus prescrits au monde», ajoutant que «ceux qui ne veulent pas en prendre deviennent fous».