La Cour européenne a condamné l’Azerbaïdjan pour avoir «approuvé» le meurtre d’un officier arménien

L’Azerbaïdjan a violé une convention européenne clé en pardonnant, récompensant et glorifiant un officier de l’armée azerbaïdjanaise qui a provoqué la mort d’un Arménien en Hongrie en 2004, a statué mardi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Le tribunal de Strasbourg a déclaré que les actions de Bakou équivalaient à « l’approbation » d’un « crime ethnique très grave » commis par l’officier, Ramil Safarov, lors d’un cours de formation de l’OTAN organisé dans la capitale hongroise Budapest.

Un tribunal de Budapest avait condamné Safarov à la réclusion à perpétuité en 2006, le déclarant coupable du meurtre à la hache du lieutenant Gurgen Markarian et de la tentative de meurtre d’un autre participant arménien au cours, Hayk Makuchian, de la même manière. Markarian avait été attaqué alors qu’il dormait dans son dortoir.

Safarov a été accueilli comme un héros à Bakou immédiatement après que les autorités hongroises l’ont extradé de manière controversée vers l’Azerbaïdjan en 2012. Non seulement il a été gracié par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, mais il a également été promu au grade de major, a obtenu un appartement gratuit et on lui a payé huit ans d’arriérés de salaire.

La libération de Safarov avait provoqué une réaction furieuse de l’Arménie et de vives critiques internationales. L’Arménie avait suspendu ses relations diplomatiques avec la Hongrie pour protester.

En 2013, l’oncle de Makuchian et Markarian, aujourd’hui décédé, Samvel Minasian, a appelé la CEDH à statuer sur le fait que les actions des gouvernements azerbaïdjanais et hongrois étaient contraires à plusieurs articles de la Convention européenne des droits de l’homme. L’un de ces articles défend le droit à la vie d’une personne et un autre interdit toute discrimination ethnique ou religieuse.

Les plaignants ont également demandé au tribunal d’envisager d’ordonner la révocation de la grâce de Safarov. Ils n’ont pas réclamé de dommages et intérêts à l’exception du remboursement de leurs frais de justice.

Dans un long verdict, la CEDH a conclu que « les actes de l’Azerbaïdjan accordaient en fait [à Ramil Safarov] l’impunité pour les crimes commis contre ses victimes arméniennes ». Ces actes étaient « à motivation raciale », a-t-il précisé.

« Indépendamment de sa grâce, la Cour est particulièrement frappée par le fait qu’en plus de sa libération immédiate, à son retour en Azerbaïdjan, on a accordé à [Safarov] un certain nombre d’autres avantages, tels que des arriérés de salaire pour sa période passée en prison, un appartement à Bakou et une promotion au grade militaire décernée lors d’une cérémonie publique », indique le jugement.

« En outre, la Cour trouve particulièrement troublantes les déclarations faites par un certain nombre de responsables azerbaïdjanais glorifiant [Safarov], ses actes et sa grâce. Il déplore également le fait qu’une grande majorité de ces déclarations expriment un soutien particulier au fait que les crimes de [Safarov] aient été dirigés contre des soldats arméniens, le félicitent de ses actes et le traitent de patriote, de modèle et de héros », a-t-il ajouté.

En même temps, Strasbourg a rejeté l’argument des plaignants selon lequel les autorités azerbaïdjanaises étaient également directement responsables du meurtre de Markarian. Il dit que, bien que les autorités aient clairement approuvé le meurtre, rien ne prouve que les actions de Safarov « auraient pu être prévues par ses officiers supérieurs ou devraient être tenues pour imputables à l’État azerbaïdjanais dans son ensemble ».

Les autorités azerbaïdjanaises cherchent depuis des années à justifier ce meurtre brutal, décrivant Safarov comme une victime de « l’agression arménienne » contre l’Azerbaïdjan. En conséquence, Aliev a défendu sa décision de libérer le tueur à la hache condamné.

«L’Azerbaïdjan a libéré son officier, l’a renvoyé dans son pays d’origine et a rétabli la justice», a lancé le président azerbaïdjanais en 2013.

La CEDH a également exhonéré la Hongrie de tout acte répréhensible dans l’affaire scandaleuse. Elle a justifié cela par le fait que les plaignants arméniens n’avaient pas étayé leur affirmation selon laquelle le gouvernement hongrois aurait dû savoir à l’avance que Safarov serait libéré s’il était rapatrié.

Les autorités officielles de Budapest ont toujours insisté sur le fait que l’extradition était conforme à la convention européenne. Elles ont également indiqué avoir reçu des assurances officielles de Bakou que Safarov purgerait le reste de sa peine à perpétuité dans une prison azerbaïdjanaise.

L’ancien gouvernement arménien a rejeté cette explication et gelé les relations diplomatiques avec la Hongrie en 2012. Le ministre des Affaires étrangères d’alors, Edouard Nalbandian, avait affirmé à l’époque que la corruption était à l’origine de «l’accord azerbaïdjanais-hongrois».

Dans un rapport de 2017, le projet de rapport sur la criminalité organisée et la corruption (OCCRP) a révélé que de 2012 à 2013, plus de 9 millions de dollars avaient été transférés sur les comptes bancaires hongrois d’une société offshore appartenant à un fils d’un haut fonctionnaire du gouvernement azerbaïdjanais. Il a indiqué que le premier transfert en espèces de 450 000 dollars avait été effectué en juillet 2012, un mois avant l’extradition de Safarov.

Le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto a fermement nié tout lien entre ces flux de trésorerie et l’extradition scandaleuse. Le Premier ministre hongrois controversé Viktor Orban s’est rendu à Bakou en juin 2012.

Le rapport de l’OCCRP intitulé La lessiveuse d’Azerbaïdjan (The Azerbaijan Laundromat) affirmait que l’élite dirigeante azerbaïdjanaise avait utilisé une caisse noire de 2,9 milliards de dollars pour payer les politiciens européens, acheter des produits de luxe et blanchir de l’argent en 2012 – 2014.