La Pologne, rappelée à l’ordre à de nombreuses reprises pour des réformes de la justice qui sapent l’indépendance des juges locaux et les exposent à un risque de contrôle par le pouvoir, n’a pas répondu de manière satisfaisante à une récente ordonnance intermédiaire de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), a indiqué la Commission européenne lundi.
Le commissaire en charge de la Justice, Didier Reynders, a donc envoyé vendredi dernier un courrier au ministre polonais compétent pour demander des clarifications et exprimer les inquiétudes de l’exécutif européen. « Nous attendons de la Pologne des explications pour le 24 juin », a précisé le commissaire belge dans un tweet.
Le 8 avril dernier, la CJUE avait suivi la Commission et ordonné en référé la suspension immédiate des activités de la nouvelle chambre disciplinaire de la Cour suprême, organe controversé dont l’indépendance et l’impartialité n’apparaissent pas garanties. Ses membres sont sélectionnés par un conseil lui-même directement élu par le Parlement polonais. Cette chambre disciplinaire instaurée par une réforme de 2017 est entre autres chargée de trancher les affaires disciplinaires visant les juges de la Cour suprême, et en appel celles des juges de juridictions de droit commun. Elle est donc détentrice d’un pouvoir non négligeable. La CJUE avait ordonné la suspension des dispositions encadrant son action, dans l’attente d’un jugement sur le fond. Mais « sur la base de la réponse des autorités polonaises, la Commission ne peut pas conclure que la Pologne a pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer » à l’ordonnance, a expliqué lundi Christian Wigand, porte-parole de la Commission pour la justice. « Dans certains cas, la chambre disciplinaire continue de fonctionner. Et les dispositions de la législation nationale (attaquées) pourraient continuer à être appliquées. Deuxièmement, selon la réponse, les mesures pour mettre en oeuvre l’arrêt pourraient ne pas rester en place jusqu’à l’arrêt définitif de la CJUE. Cela dépendrait aussi du Tribunal constitutionnel polonais ». La Commission juge donc que la Pologne n’a pas réellement appliqué l’ordonnance de la CJUE et suspendu les dispositions controversées encadrant le nouveau régime disciplinaire des juges. L’État de droit en Pologne fait l’objet d’un bras de fer depuis plusieurs années, entre l’Europe et le pouvoir en place à Varsovie, aux mains du parti conservateur PiS (Droit et Justice). La Commission européenne a déclenché en 2017 à l’égard de la Pologne une procédure dite de l’article 7 du traité sur l’UE, pour « violation grave » de l’Etat de droit.