Le premier ministre arménien accusé d’avoir violé la vie privée de citoyens

Vendredi, le Premier ministre Nikol Pashinyan a dû faire face à des accusations de violation de l’éthique et de la vie privée alors qu’il continuait de publier des photos de personnes ne respectant pas les règles de sécurité destinées à arrêter la propagation du coronavirus en Arménie.

Nikol Pashinyan avait exhorté ses partisans à lui envoyer de tels documents en début de semaine dernière, dans le cadre de ses efforts pour amener les Arméniens à pratiquer la distanciation sociale, à éviter les grands rassemblements et à porter des masques. Depuis, il a reçu et publié sur sa page Facebook des dizaines de photos et même des vidéos de personnes non protégées faisant la fête, se serrant dans les bras, montant dans des bus bondés ou faisant dangereusement la queue devant divers commerces.

Certains de ces messages ont suscité des critiques de la part d’activistes civiques, de personnalités de l’opposition et d’utilisateurs des réseaux sociaux. Ils ont été particulièrement choqués par une photo montrant en gros plan une jeune femme dans un bus de la banlieue d’Erevan. La femme en mini-jupe ne portait pas de masque de protection, contrairement à deux autres jeunes assis à côté d’elle.

Pachinian a légendé sarcastiquement l’image en tant que « beauté cachée ». Certains de ses partisans ont dénoncé l’attitude de cette femme, et ont même fait des commentaires offensants à son sujet.

Mais de nombreux autres utilisateurs de Facebook ont ​​accusé le Premier ministre d’avoir manqué de respect à la femme et d’avoir violé sa vie privée.

Shushan Doydoyan, du Centre pour la liberté de l’information basé à Erevan, a dénoncé le fait que les posts de Pachinian étaient contraires à une loi arménienne sur la protection des données personnelles, et ce même en cas d’objectif légitime.

« Il est évident que les photos et vidéos représentent des personnes identifiables, a expliqué Doydoyan au service arménien de RFE / RL. Je crois que, dans ce cas, les rendre reconnaissables n’est pas du tout nécessaire pour atteindre l’objectif (de contenir l’épidémie de coronavirus – réd.)»

Le chef de l’Etat a également été critiqué par le parti d’opposition Lumineuse Arménie (LHK). « Même si vous voulez sincèrement combattre l’épidémie, il est inadmissible de violer la dignité des citoyens et de s’immiscer dans leur vie privée », s’est indigné Taron Simonian, responsable parlementaire du LHK.

Le médiateur des droits de l’homme, Arman Tatoyan, a également exprimé ses graves préoccupations. « J’appelle tous les utilisateurs des réseaux sociaux à ne pas diffuser la photo de la jeune fille, que son visage soit couvert ou non, a-t-il écrit sur Facebook. Si vous avez déjà diffusé la photo, veuillez la supprimer, ainsi que les captures d’écran contenant des commentaires offensants. »

« Lorsque vous republiez des posts de personnalités publiques importantes, vous devez garder à l’esprit que, quel que soit le degré de légitimité de leur objectif, cela peut violer les droits d’une personne concrète », a ajouté M. Tatoyan.

Pachinian a supprimé la publication controversée de Facebook plus tard dans la journée, se justifiant par le fait qu’il ne voulait offenser personne. « Je m’excuse auprès de tous les compatriotes qui ont été la cible de propos durs sur ma page, écrit-il. Mais cette campagne de contrôle public se poursuivra. »

Gayane Abrahamian, députée parlementaire du bloc Mon pas, a défendu le « flash mob » en ligne du Premier ministre. « Il n’y a aucune violation des données personnelles », a-t-elle commenté.

Au cours de la semaine dernière, M. Pashinyan a lancé un appel aux citoyens quotidiennement, et ce alors que le nombre de nouveaux cas de coronavirus et de décès enregistrés en Arménie n’a cessé de croître. Il a prévenu que l’épidémie serait vaincue que s’ils respectaient les règles de sécurité fixées par les autorités sanitaires.

Le Premier ministre s’est également plaint à plusieurs reprises du non-respect généralisé des règles. Des membres de l’opposition et d’autres critiques ont réagi en l’accusant d’essayer de faire porter à la population la responsabilité de la mauvaise gestion de la crise du coronavirus par son gouvernement.

Le ministère arménien de la Santé a déclaré vendredi matin que le nombre de cas confirmés de COVID-19 avait augmenté de 596 en 24h, pour atteindre 11 817. Il a également signalé 7 décès supplémentaires causés par le virus. Le bilan officiel des décès dus à l’épidémie a ainsi atteint 183.

M. Pashinyan avait annoncé lundi dernier que lui-même et des membres de sa famille avaient été testés positifs. Mais il a précisé jeudi qu’aucun d’entre eux n’avait montré de symptômes de la maladie jusqu’à présent.

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