Suite à une rare manifestation anti-Arménienne à Téhéran, l’Arménie a de nouveau tenté de dissiper les inquiétudes apparentes de son voisin iranien concernant sa décision d’ouvrir une ambassade en Israël.
L’ambassadeur arménien en Iran, Artashes Tumanian, a assuré mercredi un haut responsable du ministère iranien des Affaires étrangères que son pays reste attaché à ses relations « amicales » avec la République islamique, malgré son désir d’améliorer les liens entre l’Arménie et Israël.
Le gouvernement arménien avait annoncé cette décision en septembre dernier, déclarant qu’elle allait non seulement « donner un nouvel élan » à ses relations avec l’Etat juif mais aussi contribuer à assurer la forte présence continue de l’Eglise apostolique arménienne en Terre Sainte.
Israël a salué cette décision, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Israel Katz, la qualifiant d’« étape importante dans le développement des relations bilatérales ». Son homologue arménien, Zohrab Mnatsakanian, a indiqué qu’il accueillerait favorablement l’ouverture d’une ambassade israélienne à Erevan.
L’ouverture de l’ambassade arménienne à Tel-Aviv, initialement prévue pour le début de cette année, semble avoir été retardée par la pandémie due au coronavirus.
Les dirigeants iraniens ont attendu le 15 mars pour faire connaître publiquement leur désapprobation de la décision d’Erevan. Un conseiller principal du président du Parlement, Ali Larijani, a déclaré que cette décision aurait « un impact négatif sur la stabilité et la sécurité dans la région ». Le fonctionnaire, Hossein Amir Abdollahian, a exhorté la partie arménienne à « réfléchir à deux fois » avant d’ouvrir la mission à Tel-Aviv.
Le même jour, l’ambassadeur Tumanian a rencontré Alireza Haqiqian, chef du département Eurasie du ministère iranien des Affaires étrangères. Selon l’ambassade d’Arménie à Téhéran, il a expliqué à Haqiqian « en détail » les motivations de son gouvernement concernant Israël.
Signe du mécontentement persistant de l’Iran, deux douzaines d’étudiants iraniens se sont rassemblées devant l’ambassade d’Arménie à Téhéran mardi pour condamner les plans d’Erevan et l’exhorter à éviter toute présence diplomatique dans « les territoires palestiniens occupés ». Selon les informations en provenance de la capitale iranienne, les manifestants ont scandé « Mort à Israël » et brûlé un drapeau israélien.
M. Tumanian a discuté de cette manifestation avec un autre haut fonctionnaire du ministère iranien des Affaires étrangères, Mohsen Faghani, lors d’une réunion qui s’est tenue le lendemain. Selon une déclaration de l’ambassade d’Arménie, l’envoyé a assuré Faghani que l’Arménie continuera à éviter de s’impliquer dans « tout projet politique anti-iranien ».
« L’ambassadeur a souligné que les relations amicales entre l’Arménie et l’Iran ont été et restent une des priorités de la politique étrangère arménienne », peut-on lire dans la déclaration.
Elle précise que selon Faghani « certains cercles » en République islamique s’inquiètent de l’influence israélienne sur l’Arménie. Dans le même temps, a-t-il déclaré, le responsable iranien a salué l’état actuel des relations arméno-iraniennes et s’est dit confiant dans le fait qu’elles ne seront pas sapées par un «mécontentement» vis-à-vis de la présence diplomatique arménienne en Israël.
Mnatsakanian s’est fait l’écho des assurances de M. Tumanian lors de son entretien avec les journalistes à Erevan, jeudi. « L’Arménie n’a jamais mis en œuvre et n’a pas l’intention de mettre en œuvre des politiques envers un partenaire au détriment d’un autre », a déclaré le ministre des affaires étrangères.
Le Premier ministre arménien Nikol Pashinian et le Président iranien Hassan Rouhani se sont récemment entretenus par téléphone le 28 avril. Un compte rendu officiel arménien de l’appel téléphonique indique qu’ils ont discuté des moyens de minimiser l’impact de la pandémie de coronavirus sur les liens commerciaux bilatéraux.
M. Pashinyan a déclaré le 7 mai que les relations entre l’Arménie et l’Iran restent « très bonnes » et se développent « de façon dynamique ».
Deux semaines plus tard, Pashinian a envoyé un message de félicitations au Premier ministre israélien réélu Benjamin Netanyahu. « J’ai bon espoir que grâce à des efforts conjoints, nous serons en mesure de reconstituer et de réviser le programme de coopération entre l’Arménie et Israël et de construire des liens solides de partenariat mutuellement bénéfique », a-t-il écrit.
Les relations israélo-arméniennes ont longtemps été glaciales, reflétant les différentes priorités géopolitiques des deux Etats. L’Arménie a maintenu des relations chaleureuses avec l’Iran, l’un des deux pays enclavés du Caucase du Sud, et Israël a poursuivi sa coopération stratégique avec la Turquie et l’Azerbaïdjan.
Les dirigeants arméniens expriment depuis longtemps leur inquiétude face aux accords d’armement à grande échelle conclus par Israël avec l’Azerbaïdjan, qui se seraient élevés à au moins deux milliards de dollars depuis 2012. L’armée azerbaïdjanaise a utilisé certaines de ses armes de fabrication israélienne, notamment des roquettes antichars sophistiquées, lors des hostilités d’avril 2016 au Haut-Karabakh.
Et pas plus tard que le 21 avril, l’armée du Karabakh, soutenue par l’Arménie, a affirmé avoir abattu un autre drone militaire azerbaïdjanais de fabrication israélienne.
L’Arménie et Israël ont établi des relations diplomatiques en 1992 mais n’ont pas eu d’ambassades dans leurs capitales respectives jusqu’à présent. Les ambassadeurs arméniens en Israël ont été basés à Paris, au Caire et même à Erevan.