Si le parti Arménie prospère (BHK) a pu obtenir le soutien de l’autre parti d’opposition au Parlement, Arménie lumineuse (LHK), en vue de la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la gestion de la crise du coronavirus par le gouvernement de Nikol Pashinyan.
Celui-ci a dû chercher des partenaires en dehors de l’hémicycle, pour une autre initiative visant le gouvernement, cette fois pour ses amendements constitutionnels destinés à changer la composition de la Cour constitutionnelle, faute de l’appui des députés du LHK, qui était indispensable pour qu’aboutisse une initiative ayant vocation à faire échec à cette réforme controversée, au sein même du Parlement.
Des représentants du BHK, de la Fédération révolutionnaire arménienne Dachnaktsoutioun (FRAD), et du Parti patrie, dirigé par l’ancien chef du Service de sécurité nationale (SSN) Artur Vanetsian, ont ainsi présenté un “rapport criminel” au procureur général d’Arménie mardi 30 juin, en demandant une enquête criminelle visant les parlementaires et hauts responsables de l’Etat en lien avec les amendements constitutionnels votés la semaine dernière par le Parlement en vue de modifier la composition de la plus haute Cour du pays. Ils ont présenté un rapport de neuf pages au chef du parquet qui, selon eux, détaille une série de violations qui relèveraient de crimes graves. Après avoir soumis leur rapport, les représentants des trois partis ont lu une déclaration commune et se sont exprimés devant la presse pour développer leurs préoccupations concernant l’impasse constitutionnelle dans laquelle se fourvoie le pays.
La semaine dernière, les dirigeants des trois partis s’étaient rencontrés et avaient décidé de créer un groupe de travail qui présenterait une feuille de route pour faire sortir l’Arménie de la crise constitutionnelle. Le premier acte de cette collaboration a donc été la remise de ce rapport incriminant le gouvernement. Aux journalistes rassemblés devant le siège du procureur, Arsen Babayan, du parti Patrie a souligné que le rapport détaillait les atteintes portées au système judiciaire depuis deux ans, en mentionnant notamment la violation de plusieurs lois par les autorités en vue d’installer Vahe Grigoryan dans la Haute Cour, dont il serait une sorte de cheval de Troie du gouvernement, en se proclamant président de cette Cour. Il a bien sûr évoqué aussi les amendements récents votés par le Parlement qui contraint 3 des juges de la Cour à prendre leur retraite anticipée et son président Hrayr Hrayr Tovmasyan, visé par des poursuites criminelles ainsi que ses proches par le gouvernement, à être rétrogradé simple juge. Les trois partis, qui accusent Pachinian et son gouvernement de violation de l’ordre constitutionnel, comptent sur l’objectivité du procureur général, face à des preuves qu’ils qualifient d’irréfutables. Ils comptent plus généralement sur l’indépendance de la justice, que le BHK comme le LHK estiment menacée par ces amendements, dont ils ont boycotté le vote au Parlement. Le Bureau du procureur général a en effet manifesté une certaine indépendance en décidant de ne pas suivre le gouvernement dans ses efforts pour placer le leader du BHK, Gagig Tsarukyan, dont l’immunité a été levée par un vote de la majorité parlementaire le 16 juin, en détention préventive dans le cadre d’une enquête pour fait de corruption.
Toujours dans le cadre de cette réforme, le président Armen Sarkissian, dont les pouvoirs sont surtout honorifiques, a indiqué mardi au président du Parlement Ararat Mirzoyan qu’il ne signerait plus d’autres amendements à la Constitution concernant la composition de la Cour constitutionnelle. Le président arménien, qui avait été élu en mars sous l’autorité de l’ancien président Serge Sarkissian, a déjà signé tous les textes que lui présentait Pachinian, y compris celui qui lui dénie toute prérogative dans le processus en cours, ce qui a fait dire aux opposants les plus durs du pouvoir en place qu’il en était la marionnette, et qu’il s’exécutait à seule fin de sauver ses intérêts, financiers notamment.