Le terrible déclassement du ministère des Sports

« Le sport n’est pas une priorité ! » Cette formule, lâchée pendant le confinement, s’est confirmée avec la nomination du nouveau gouvernement de Jean Castex.

Lundi, le ministère des Sports a ainsi été dilué dans un portefeuille élargi de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. Jusque-là ministre, Roxana Maracineanu devient donc ministre déléguée, sous la tutelle de Jean-Michel Blanquer. Une décision qui s’explique notamment par son mauvais bilan au sein du ministère des Sports, marqué par peu d’avancées concrètes, beaucoup de couacs et d’approximations, des difficultés à communiquer et un immense manque d’autorité.

Elle n’était clairement pas le premier choix du gouvernement d’Edouard Philippe lors de sa prise de fonction. Après les révélations concernant les déboires fiscaux de l’ex-escrimeuse Laura Flessel (ex-ministre des Sports) en 2018, il a rapidement fallu au gouvernement trouver un plan B. Le choix s’est porté sur Roxana Maracineanu, ancienne championne olympique de natation et ex-conseillère régionale d’Île-de-France (apparentée PS), qui s’était fait remarquer quelques semaines plus tôt lors d’une interview accordée au Parisien, à la suite de la noyade de trois jeunes enfants à Chalon-sur-Saône. Figure de la natation française, Roxana Maracineanu avait à l’époque poussé un coup de gueule pour faire de l’apprentissage de la natation son cheval de bataille. Une prise de position qui avait alors séduit Édouard Philippe. Entrée en jeu en cours de match (le 4 septembre 2018), Roxana Maracineanu a donc bénéficié de près de deux ans pour faire ses preuves sur le terrain, et désormais l’heure est au premier bilan. Homophobie dans les stades, violences sexuelles dans le sport ou crise du coronavirus, la ministre débutante a vécu deux années très agitées et ses statistiques se révèlent peu convaincantes.

Si l’ancienne nageuse peut se vanter d’avoir remporté des victoires, notamment sur le dossier des violences sexuelles dans le sport, après le scandale qui a éclaté au sein de la Fédération française des sports de glace, où elle a réussi à briser l’omerta et à lancer une Convention nationale (qui a permis l’identification de 177 agresseurs présumés), son bilan demeure cependant mitigé. Très peu d’avancées concrètes et des relations catastrophiques avec la filière sportive : en à peine deux ans, la ministre a réussi à se mettre à dos une grande partie du sport professionnel français. Ses prises de bec avec les dirigeants du football et les supporteurs, son refus de prioriser la reprise de l’activité sportive professionnelle – là où dans les pays voisins ce fut le cas –, et son inaction générale en défaveur d’une filière sport soumise à rude épreuve lui ont valu son lot de critiques. En acceptant le poste, Roxana Maracineanu ne semblait pas avoir pris la mesure de l’ampleur du défi qui l’attendait et n’a pas su incarner une politique publique ambitieuse. Pire encore, la crise du coronavirus a également révélé plusieurs couacs et pléthores d’approximations. Ses rétropédalages ont été nombreux et son manque d’autorité s’est révélé criant, pour sa première expérience au sein d’un gouvernement. Dès lors, son rattachement à Jean-Michel Blanquer, connu pour sa fermeté au sein de l’Éducation nationale, n’est pas anodin de ce point de vue.

En France, le sport perd progressivement du terrain. Alors qu’un ministère de plein exercice avait été consacré aux Sports depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron en 2017, voilà qu’à peine quatre ans avant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, le ministère des Sports est placé sous tutelle. En l’occurrence ici, Roxana Maracineanu aura en charge le dossier des Sports dont elle devra désormais en référer à Jean-Michel Blanquer. Une annonce qui en dit long sur la considération de la pratique sportive dans notre pays, reléguée au second plan (si ce n’est au troisième) de l’action gouvernementale. Un déclassement terriblement révélateur et particulièrement décourageant, d’autant que la prochaine année sportive s’annonce cruciale. Avec notamment l’Euro 2021 de football, où les Bleus espèrent faire grosse impression, la Coupe du monde de rugby 2023 organisée en France et surtout les Jeux olympiques de Tokyo 2020, dernière marche avant Paris 2024, le sport français est honteusement abandonné.

Cette évolution s’inscrit évidemment dans la suite logique de la création de l’Agence nationale du sport (ANS) en 2019, la nouvelle instance qui acte la gouvernance partagée entre l’État, le mouvement sportif, les collectivités et le monde économique. Ce groupement d’intérêt public a pour mission d’accompagner les « politiques publiques et porter les objectifs fixés par la ministre des Sports en matière de haut niveau et de sport pour tous ». En clair, c’est au sein de cette agence, et non plus au ministère, que seront décidés les grandes lignes directrices pour la haute performance et les montants des subventions accordés aux fédérations pour le haut niveau. L’objectif de la ministre via cette agence est de réussir à établir un lien « plus fort avec les sportifs, les territoires, le monde de l’entreprise », indiquait-elle fin juin. Pourtant, depuis deux ans, Roxana Maracineanu a accompagné les réformes qui ont mené au rétrécissement des attributions de son ministère, sabordant ainsi son propre poste, et la disparition du ministère des Sports n’est plus qu’une question de temps. Pour l’heure, s’il est encore difficile de faire un bilan sur cette question, la communication menée autour de cette réforme a été mal gérée. Mais une chose est sûre : la filière sportive est dans le dur. Relégué sur le banc, parfois même poussé vers la sortie, le sport français ne risque malheureusement pas de faire son entrée en jeu dans l’acte II du quinquennat d’Emmanuel Macron.

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