Dans un Liban en faillite, la survie de quelque 300 établissements scolaires francophones n’a jamais été aussi menacée, au point que la France a décidé de débourser dans l’urgence une douzaine de millions d’euros pour les écoles.
Le pays du Cèdre est le premier pays au monde en termes de nombre d’élèves scolarisés dans le système français.
La gravité de la situation est telle que la France a décidé de débourser dans l’urgence une douzaine de millions d’euros pour les écoles dans les prochains mois.
À l’école « Notre-Dame-de-Lourdes », dans la ville de Zahlé, Colette Moughabghab accueille des parents catastrophés par la nouvelle de la fermeture de l’établissement, victime parmi tant d’autres de la crise économique et monétaire qui a plongé près de la moitié de la population dans la pauvreté.
« J’ai tout fait pour obtenir des aides […] mais en vain », déplore la religieuse qui gère l’établissement.
Certains craignent de graves retombées sur un pilier de l’éducation, mais aussi sur la francophonie, dans un Liban où la langue de Molière cède déjà le pas à l’anglais.
Pour le père Boutros Azar, secrétaire général des établissements catholiques, la situation est « catastrophique ». « Entre 50 et 75 écoles de notre réseau risquent d’être fermées » en septembre, dit-il. Le réseau élargi d’écoles francophones compte un demi-million d’élèves
Implantées au Liban dès le XIXe siècle par plusieurs missions catholiques parties notamment de France, ces écoles ont pourtant survécu à moult épreuves à travers l’histoire, notamment la guerre civile de 1975 à 1990.
Pour la francophonie, l’enjeu est de taille. Le Liban est « le premier pays au monde en matière de nombre d’élèves scolarisés dans le système français, loin devant le deuxième, le Maroc », souligne à l’AFP l’ambassadeur de France à Beyrouth, Bruno Foucher.
Les établissements homologués, labellisés ou certifiés par la France scolarisent quelque 120 000 élèves. Au total, le réseau élargi d’écoles francophones compte un demi-million d’élèves, soit 50 % des effectifs nationaux. Près de 50 000 élèves du réseau, soit plus du quart, sont musulmans.
La Mission laïque française, qui regroupe cinq établissements à travers le Liban, connaît également sa pire crise depuis son implantation dans le pays, il y a plus d’un siècle. Plus de 1 500 départs sont prévus et 180 enseignants ont déjà été licenciés.
« Je ne pourrai pas scolariser mon deuxième enfant l’année prochaine »
Dans le bureau de Colette Moughabghab à Zahlé, Samer et sa femme enchaînent les questions, la mine déconfite, tandis que leur fils Julien, 7 ans, erre dans son ancienne école.
Pour les parents qui en ont les moyens, les élèves seront transférés vers une autre école à la rentrée. Mais ce père de famille âgé de 47 ans a été contraint de faire un choix difficile.
« Je ne pourrai pas scolariser mon deuxième enfant l’année prochaine », explique-t-il.
« Je gagne 1,2 million de livres par mois », soit désormais un peu plus de 150 dollars, contre 800 dollars avant une dégringolade la monnaie nationale, qui a plongé toute une partie de la population dans la pauvreté en l’espace de quelques mois.
Ces écoles sont d’autant plus importantes que les écoles publiques, débordées par l’afflux massif de réfugiés syriens depuis 2011, sont sous-équipées face au basculement attendu l’an prochain de 120 000 nouveaux élèves dans l’enseignement public, indique une source au ministère de l’Éducation.
Pour tenter d’éviter le pire, l’aide française prévoit un plan d’urgence de « plusieurs millions » dédié à une cinquantaine d’écoles homologuées – des prêts à taux zéro et des bourses scolaires aux familles libanaises –, un fonds spécifique aux écoles chrétiennes et un plan spécial pour l’ensemble des écoles francophones.