Les douanes du port de Beyrouth ont demandé à plusieurs reprises que la cargaison de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium, désignée comme étant à l’origine d’une double explosion particulièrement meurtrière mardi soir, quitte la zone portuaire.
Une demande restée sans réponse de la part des magistrats concernés, relève mercredi la chaîne d’information al-Jazeera. La substance, utilisée pour la fabrication de nombreux engrais mais aussi d’explosifs par l’armée ou dans les exploitations minières, par exemple, était stockée sur un cargo battant pavillon moldave et qui devait rejoindre le Mozambique depuis la Géorgie. Confronté à des problèmes techniques en mer, le bateau avait été forcé de faire escale à Beyrouth en septembre 2013.
Le navire a ensuite été saisi par la justice libanaise en raison de querelles juridiques au sujet notamment de sa cargaison. Inquiet de voir cette dernière s’éterniser dans le port de Beyrouth, l’ancien directeur des douanes Shafik Merhi a adressé une lettre à la justice en 2014 pour demander que la marchandise stockée soit rapidement réexpédiée, remise à l’armée libanaise ou vendue à la société privée Lebanese Explosives Company.
Au cours des trois années suivantes, le service douanier a adressé au moins cinq nouvelles missives à propos de cette cargaison. Toujours sans réponse, les douanes insistent en 2016 sur « le grave danger de maintenir ces marchandises dans le hangar dans des conditions climatiques inadaptées ». En 2017, le nouveau chef des douanes constate avec surprise que le nitrate d’ammonium est toujours là et demande une décision de justice rapide car le produit menace tous ceux qui travaillaient au port. En 2020, la substance était toujours stockée dans le même hangar. Surnommé « la grotte d’Ali Baba et des quarante voleurs », le port de Beyrouth, exploité par les autorités publiques, est entaché par des accusations de trafic à l’importation et à l’exportation. La cause de l’explosion n’a pas encore été officiellement déterminée mais le Premier ministre Hassan Diab a dénoncé devant le Conseil supérieur de défense, réuni d’urgence, une situation « inadmissible ». « C’est inacceptable et nous ne pouvons pas nous taire sur cette question », a-t-il souligné.