L’écrivaine biélorusse Svetlana Alexievitch prix Nobel de 2015, a accusé le président Alexandre Loukachenko d’entraîner son pays vers « la guerre civile », en plein mouvement de contestation violemment réprimé.
« Pars, avant qu’il ne soit trop tard, avant que tu n’aies plongé les gens dans un terrible abîme, dans le gouffre d’une guerre civile! Pars ! », a lancé l’auteure en s’adressant au président Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans, dans une interview pour le média Radio Free Europe.
« Tu veux seulement le pouvoir et ce désir se révélera sanglant », a-t-elle prédit, accusant le pouvoir biélorusse d’avoir amorcé « une guerre contre son peuple ».
Depuis dimanche, la réélection d’Alexandre Loukachenko a déclenché une grand vague de protestation, matée sans ménagement avec près de 6 000 arrestations, deux morts, et de nombreuses violences policières signalées à travers cette ex-république soviétique. Le président Alexandre Loukachenko a qualifié les protestataires de « chômeurs au passé criminel » pilotés depuis l’étranger.
« Je vois comment la société se radicalise, comment se comportent les policiers anti-émeutes… Personne n’aurait pu imaginer cela », a poursuivi Svetlana Alexievitch, dénonçant l’action « inhumaine et satanique » des forces de sécurité. Couronnée en 2015 du prix Nobel de littérature, l’écrivaine de 72 ans est l’auteure de livres poignants sur Tchernobyl, la guerre d’Afghanistan ou encore l’effondrement de l’Union soviétique. Critique acerbe du pouvoir d’Alexandre Loukachenko, elle avait appelé à voter à la présidentielle pour l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa, 37 ans, une ancienne professeur d’anglais qui avait remplacé dans la course à la présidentielle son mari emprisonné.
Selon les résultats officiels du vote, Alexandre Loukachenko a obtenu plus de 80% des voix, un score fantaisiste, disent ses détracteurs, qui estiment au contraire que Svetlana Tikhanovskaïa, créditée de 10% des voix, a gagné. Dans la nuit de lundi à mardi, cette dernière a du quitter la Biélorussie pour la Lituanie, un départ sous la menace des autorités, selon ses partisans.
Svetlana Alexievitch a salué en Svetlana Tikhanovskaïa « un symbole de changement » et remercié les manifestants car « ils ont sauvé notre dignité ». »Je suis tombée amoureuse de mon peuple ces dernières semaines. C’est un peuple entièrement différent, avec une autre force. Il avait pu me décevoir un peu auparavant mais, maintenant, ce n’est plus le cas. »