Des appels à de grands rassemblements pacifiques ont été lancés pour ce week-end en Biélorussie dans la foulée d’une mobilisation croissante contre la réélection du président Alexandre Loukachenko, malgré une répression brutale suivie de nouvelles sanctions annoncées par Bruxelles.
La principale candidate de l’opposition à la présidentielle, Svetlana Tikhanovskaïa, réfugiée depuis quatre jours en Lituanie, a appelé à des marches pacifiques samedi et dimanche à travers le pays.
A Minsk, la capitale, des contestataires ont également appelé à se réunir samedi en marge des funérailles d’un manifestant.
Un rassemblement est prévu à 12H (9H00 GMT) à proximité de la station de métro Pouchkine, près de laquelle ce protestaire a trouvé la mort lundi. La police affirme qu’il a été tué par l’explosion d’un projectile qu’il s’apprêtait à lancer, mais des médias d’opposition soutiennent qu’il aurait pu être atteint par un tir des forces de l’ordre.
En réaction à ces violences, l’Union européenne a donné vendredi son accord à des sanctions contre des responsables bélarusses liés à la répression ou des fraudes électorales.
Ces sanctions interviennent alors que la mobilisation s’est étendu en Biélorussie : des chaînes humaines contre la violence et les fraudes se sont multipliées, tandis que des ouvriers d’usines emblématiques ont lancé des actions de solidarité et des débrayages.
Vendredi soir, des milliers de personnes se sont rassemblés devant le siège du gouvernement, déposant des fleurs au pied des jeunes conscrits déployés sur place. D’autres rassemblements ont eu lieu dans plusieurs villes.
Contrairement aux manifestations du début de semaine, violement réprimées, les actions de jeudi et vendredi se sont déroulés sans heurts, les autorités bélarusses ayant donné des signes de recul.
Ces dernières ont ainsi annoncé la libération de plus de 2 000 des 6 700 personnes arrêtées lors des manifestations.
Le président Alexandre Loukachenko a lui appelé vendredi à une « certaine retenue » contre les protestataires, qu’il avait auparavant qualifiés de « moutons » à qui il fallait « remettre le cerveau en place ».
Accusant le régime de « massacre », Svetlana Tikhanovskaïa, qui revendique la victoire à la présidentielle du 9 août, a de son côté annoncé la création d’un comité pour organiser le transfert du pouvoir et appelé à un dialogue avec les autorités.
Depuis dimanche soir, le Bélarus est le théâtre d’une vague de protestation d’une ampleur inédite contre la réélection de M. Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans dans cette ex-république soviétique.
Sa victoire – officiellement avec 80 % des voix – a été perçue comme largement falsifiée alors qu’une immense mobilisation en faveur de sa rivale inattendue, Svetlana Tikhanovskaïa, avait enflammé le Bélarus avant le scrutin.
Cette dernière, officiellement créditée de 10 % des voix, a dénoncé des fraudes massives.
Les quatre premières soirées de manifestations avaient été matées par les forces antiémeutes, faisant au moins deux morts et 150 blessés toujours hospitalisés vendredi.
Des personnes libérées ont raconté à l’AFP des conditions de détention atroces. Privées d’eau, de nourriture et de sommeil, passées à tabac ou brûlées avec des cigarettes, elles étaient incarcérées par dizaines dans des cellules prévues pour quatre ou six.
L’ONG Amnesty international a signalé des cas de manifestants « mis à nu, battus et menacés de viol ».
Novice en politique, Svetlana Tikhanovskaïa, 37 ans, professeur d’anglais de formation et mère au foyer, a quitté la Biélorussie après avoir subi des menaces du pouvoir, selon ses soutiens.
Son mari, qu’elle a remplacé au pied levé dans la course à la présidence, est emprisonné depuis mai.
De nombreux Etats occidentaux ont condamné les violences et dénoncé des fraudes. Le pouvoir biélorusse a néanmoins reçu le soutien de Moscou qui a dénoncé des tentatives d' »ingérence étrangère » visant à déstabiliser le Bélarus.
La Russie a par ailleurs annoncé le retour sur son territoire de 32 Russes accusés avant l’élection d’être des mercenaires chargés de déstabiliser le Bélarus, suscitant des tensions avec Moscou.
Alexandre Loukachenko, 65 ans, n’a jamais laissé aucune opposition s’ancrer. La précédente vague de contestation, en 2010, avait elle aussi été sévèrement réprimée.