La maison de Colette reste toujours menacée

La maison bourgeoise du village de Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne) où Sidonie-Gabrielle Colette est née le 28 janvier 1873, après avoir été ouverte au public en 2016, a subi de plein fouet la fermeture due au confinement sanitaire.

« Il nous faut 15 à 17 000 visiteurs par an pour être rentable. Et encore tout juste« , confie Frédéric Maget, directeur de la maison-musée. Pour « tenir« , l’association qui la gère sans aide de l’Etat, demande une subvention « de 20 – 30 000 euros par an« .

La maison avait été sauvée de l’oubli en 2011 grâce à un formidable élan de solidarité, mené par la mobilisation de Carole Bouquet, Mathieu Amalric et Arielle Dombasle, entre-autres. Ajourd’hui, la maison natale de Colette est menacée, cette fois par le manque à gagner dû au Covid-19.

Les portes ont été rouvertes depuis le déconfinement, mais la règle des 4 m2 minimum d’espace par personne, pour raison sanitaire, oblige la maison à refuser du monde et à n’accepter que la moitié des visiteurs qu’elle peut accueillir. « Ce n’est pas économiquement viable. Le déficit est de 60.000 euros« , lâche M. Maget, qui craint de subir le sort de la maison de Jane Austen, en Angleterre : la fermeture.

« En 2016, on s’était dit: ça y est, elle est sauvée. Aujourd’hui, on a l’impression que c’est le rocher de Sisyphe. On ne s’est pas battu pendant dix ans pour que tout soit détruit en quelques mois. Ce serait dommage, tout ça pour des montants qui me paraissent raisonnables« , souligne M. Maget.

« La maison de Colette bénéficiera d’une aide« , répond-on à la région Bourgogne-Franche-Comté. Le montant reste à établir mais il « devrait permettre de la préserver« , assure-t-on.

Le département de l’Yonne, quant à lui, « pourrait » verser 20.000 euros d’avance remboursable et « envisager une subvention exceptionnelle » d’un montant non encore déterminée. Le département ne veut cependant « pas installer cette subvention dans la durée« .

Pourtant, assure M. Maget, « aucun lieu ne fonctionne comme nous à 100% en autofinancement: ce n’est pas tenable« .

La ruine guette-t-elle à nouveau la maison de Colette, comme en 1891, quand la famille de l’écrivaine, sans le sou, a dû vendre « la maison du bonheur » ?

« Colette ne se remettra jamais de ce départ« , rappelle M. Maget. Elle décèdera à Paris en 1954, non sans avoir écrit sur une lithographie jaunie de la maison : « J’aimerais bien aussi y mourir« , confie-t-il.

Il est toujours dans un coin du bureau, le petit banc d’enfant où elle s’asseyait pour espionner son papa. Les murs de la maison sont encore recouverts du papier peint qu’elle décrivait « gris de perle à bleuets » ou de la peinture qu’elle avait vue « brun-miel« .

Et, dans la chambre des parents, trône encore la chocolatière où, « la nuit, une grosse araignée buvait jusqu’à satiété avant de reprendre sa place au centre de son gréement de soie« .

Dans cette maison, Colette « y passa les 18 premières années de sa vie dans un bonheur immense« , raconte Frédéric Maget. Mais, plus que la demeure d’enfance d’une grande autrice, la maison de Colette est le personnage central qui traverse toute son oeuvre, dès le premier roman (Claudine à l’école, en 1900) où le village qui y est dépeint, Montigny, est en fait Saint-Sauveur.

Une telle maison ne pouvait pas disparaître. C’est donc un formidable élan de solidarité qui se crée quand, en 2007, la demeure est mise en vente, alors que le toit s’effondrait. Le ministre de la Culture d’alors, Frédéric Mitterrand, annonce avec fierté en 2011 que la maison a « pu être rachetée et sauvée de l’oubli« .

Des années de travaux, et 1,5 million d’euros, sont nécessaires pour la reconstituer telle qu’elle était entre 1873 et 1891 et, en 2016, le public est admis dans ce paradis ressuscité.

« Tout est recréé selon les textes« , se félicite M. Maget. 30 % du mobilier est d’origine, le reste est reconstitué très fidèlement, tel que décrit par l’autrice, jusqu’aux livres de la bibliothèque, placés dans l’ordre où ils étaient alors.

La maison de Colette se visite comme si, à chaque pièce, on tournait une page de son oeuvre, telle une « maison-livre« .

Mais la toute petite structure, propriété d’une association sans but lucratif qui ne bénéficie d’aucune subvention, dépend quasi exclusivement des entrées payantes.

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