Transition au Mali : les concertations nationales lancées

Ouverture ce samedi à Bamako de la consultation sur la transition au Mali. Autour de la table, les membres de la junte mais aussi les partis et la société civile qui ont contribué à fragiliser le pouvoir de l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta et ouvert la brèche qui a permis aux militaires d’obliger celui-ci à la démission.

Une étape importante qui devrait préparer le retour des civils au pouvoir alors que le pays est toujours confronté aux attaques meurtrières des djihadistes. Dernière illustration : vendredi, au moins 10 soldats ont été tués dans une embuscade près de la frontière mauritanienne.

La rencontre a commencé avec plus d’une heure de retard sur l’horaire prévu, vers 11 heures (GMT et locales), au centre international de conférences de Bamako, en l’absence du chef de la junte, le colonel Assimi Goïta. « Les concertations se déroulent sous la présidence du colonel Goïta mais sans sa présence effective » aux travaux, a expliqué à l’AFP une source proche de la junte. « Depuis le 18 août, nous abordons une nouvelle histoire de notre pays. Cette étape cruciale nécessite une profonde réflexion et l’implication de l’ensemble des filles et des fils de la nation », a déclaré à l’ouverture des travaux Malick Diaw, numéro deux du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) mis en place par les putschistes. Après la plénière, plus de 1 000 participants doivent ensuite se retrouver en 5 groupes restreints.

Le groupe de colonels qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août a promis de rendre les commandes aux civils à l’issue d’une transition d’une durée encore indéterminée. Mais la forme et la durée de cette transition, deux sujets de frictions avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui a imposé des sanctions aux nouveaux dirigeants militaires, ne sont pas encore fixées. Le lancement de cette large consultation avait subi un sérieux contretemps le week-end dernier. Les militaires l’avaient reportée, en pleine querelle avec un acteur primordial de la crise, le Mouvement du 5-Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP).

Ces rencontres vont se dérouler à Bamako, ainsi que dans les capitales régionales du Mali, sous la houlette des gouverneurs de région, selon la junte. « La concertation nationale se poursuivra du 10 au 12 septembre 2020 (à Bamako) avec la participation des délégués régionaux et ceux de la diaspora », a précisé Ismaël Wagué, le porte-parole du CNSP. Le M5-RFP, qui s’était indigné de ne pas avoir été invité à la première rencontre, figure cette fois explicitement parmi les participants annoncés, avec les partis politiques, les organisations de la société civile, d’anciens groupes rebelles, les syndicats et la presse. Le M5-RFP, coalition d’organisations et de responsables politiques, religieux et civils réunis par leur opposition à l’ancien président, a mené pendant des semaines la contestation contre M. Keïta.

C’est finalement un groupe d’officiers qui l’a déposé le 18 août, après sept années de pouvoir exercé avec le soutien de la communauté internationale dans le combat contre la propagation djihadiste et pour la stabilité du Sahel. Pour les militaires, le temps presse : les dirigeants ouest-africains, qui ont réclamé une « transition civile » et des élections sous 12 mois, se réunissent lundi par visioconférence avec la situation malienne en haut de l’ordre du jour.

Sur le plan intérieur, le M5-RFP, qui a canalisé l’exaspération des Maliens devant la grave crise sécuritaire, économique et institutionnelle traversée par leur pays, mais aussi la corruption reprochée à toute la classe politique, réclame d’être placé sur un pied d’égalité avec la junte à l’heure de la transition. Il l’avait accusée de chercher à « confisquer » le changement et sa figure tutélaire, l’imam Mahmoud Dicko, a prévenu les militaires qu’ils n’avaient pas « carte blanche ».

Depuis, et après s’être d’abord surtout entretenus avec les représentants étrangers pour les rassurer mais aussi demander la levée des sanctions imposées par les voisins ouest-africains, les militaires ont reçu séparément les représentants du M5-RFP et des responsables de partis ou de syndicats. Chacun a exposé sa vision, en particulier sur la durée de la transition et qui, civil ou militaire, devra la conduire. Ces questions divisent militaires et responsables maliens, communauté internationale et experts.

Les uns invoquent le temps et l’autorité indispensables pour relever les immenses défis auxquels fait face le pays et pour ne pas commettre de nouveau les erreurs d’un passé tourmenté. Les autres font valoir a contrario le risque d’un nouvel affaiblissement de l’État, d’une instabilité encore accrue dont profiteraient les djihadistes, ainsi que le mauvais exemple régional donné par une junte maintenue durablement au pouvoir. La junte a proposé initialement trois ans sous la conduite d’un militaire, avant d’baisser la barre à deux et de se dire ouverte sur son chef. Le M5-RFP a de son côté proposé une transition de dix-huit à vingt-quatre mois, avec des civils aux manettes des institutions.

L’ex-président Keïta, en résidence surveillée à Bamako selon son entourage, s’apprête quant à lui à quitter le Mali, après avoir été hospitalisé cette semaine, victime, selon les médecins, d’un court accident vasculaire cérébral (AVC). Il pourrait se rendre aux Émirats arabes unis pour des soins complémentaires, avec l’accord des militaires, selon ses proches.