Le président du Parlement européen, l’Italien David Sassoli, ainsi que les présidents des différents groupes politiques de l’assemblée, ont décidé jeudi d’exclure de la « communauté des lauréats du Prix Sakharov » la Birmane Aung San Suu Kyi, qui avait été récompensée de ce prix en 1990.
Ancienne figure de proue de l’opposition en Birmanie, celle qui a également obtenu le Prix Nobel de la Paix en 1991 est critiquée de toutes parts depuis qu’elle est dirige le gouvernement birman, accusée de rester inactive face aux crimes perpétrés contre la communauté Rohingya. C’est la raison invoquée jeudi dans la communication du Parlement européen.
L’exclusion d’Aung San Suu Kyi de la communauté du Prix Sakharov est essentiellement un geste symbolique, exprimant la désapprobation des élus européens par rapport à son inaction en faveur des rohingyas. « Le Parlement européen ne se reconnait plus dans ce qu’elle est devenue », résume jeudi Philippe Lamberts, coprésident belge du groupe des Verts/ALE. La décision a facilement obtenu le feu vert de la Conférence des présidents. « Il était temps! »
Le prix Sakharov est décerné annuellement par le Parlement européen à une personnalité dont l’action en faveur des droits de l’homme est jugée remarquable. À l’époque, en 1990, Mme Suu Kyi venait d’être placée en résidence surveillée après que son parti, la Ligue nationale pour la démocratie, eut remporté les élections birmanes. Elle n’avait finalement reçu physiquement son prix européen que 23 ans plus tard, en octobre 2013.
En 1990, le Parlement européen avait voulu saluer sa lutte non violente face au pouvoir de l’armée, en faveur de la démocratie et des droits de l’homme. Après une nouvelle victoire électorale en 2012 et 2015, les alliés d’Aung San Suu Kyi se sont installés au pouvoir en Birmanie. Elle-même empêchée d’accéder à la présidence pour ses liens familiaux avec des ressortissants étrangers, elle occupe officiellement le poste de ministre des Affaires étrangères, de « conseillère spéciale de l’État » et porte-parole de la Présidence. Elle a cependant refusé ces dernières années d’officiellement condamner les exactions de l’armée et de milices bouddhistes visant la communauté musulmane Rohingya au Myanmar. Ces violences systématiques font l’objet d’une enquête de la Cour pénale internationale (CPI) et sont passées par la Cour international de Justice.