Les pompiers ont éteint vendredi les dernières flammes de l’énorme incendie au port de Beyrouth, qui a décimé une partie de l’aide humanitaire et ravivé le douloureux traumatisme d’une population sous le choc après une explosion dévastatrice début août.
Le feu a pris jeudi dans un entrepôt utilisé notamment par la Croix-Rouge internationale pour stocker des milliers de colis alimentaires et un demi-million de litres d’huile. Dans la nourriture se trouvaient des pâtes, du sucre, du thé, des lentilles et des pois chiches, selon un communiqué de l’organisation.
« L’explosion et l’incendie auront indéniablement un impact sur l’aide humanitaire du CICR, que ce soit au Liban ou en Syrie » voisine, a averti la Croix-Rouge.
La défense civile libanaise a assuré que le feu avait été éteint, précisant que les opérations « de refroidissement se poursuivent sur le site pour empêcher l’incendie de repartir ».
Le président Michel Aoun, qui a imputé l’incendie à un acte de « sabotage », « une erreur technique » ou « une négligence », a rencontré le commandant en chef de l’armée ainsi que plusieurs officiers concernés par les travaux menés au port. Quelque 15 000 tonnes de décombres ont déjà été déblayées jusqu’ici et un million de mètres carrés nettoyés, selon un officier.
En soirée, l’armée libanaise a affirmé avoir localisé des substances chimiques dans un autre entrepôt, ajoutant les avoir déplacées « là où elles ne seront pas un danger pour la santé et la sécurité publiques ».
Jeudi, les habitants de Beyrouth avaient découvert effarés une fumée noire opaque visible depuis plusieurs quartiers, provoquée par l’incendie de cet entrepôt où étaient stockés les aides mais aussi des bidons d’huile et des pneus.
Des « réparations » étaient menées sur le site avec une scie électrique, et des « étincelles » ont entraîné le feu, selon des informations « préliminaires » du gouvernement.
« La République toxique », a titré le quotidien francophone L’Orient-Le Jour.
Ce nouvel incident au port, qui n’a pas fait de victime, a provoqué l’ire des Libanais, quelques semaines après l’explosion le 4 août au port de Beyrouth d’une quantité de nitrate d’ammonium stockée dans un entrepôt depuis des années.
Ce drame, la tragédie de trop pour une population déjà mise à genoux par une crise économique sans précédent, a fait plus de 190 morts et 6 500 blessés, ravageant des quartiers entiers.
Dans un pays confronté à une dépréciation inédite de sa monnaie et des suppressions d’emplois à grande échelle, l’explosion du 4 août a attisé la colère de la population, qui fustige depuis près d’un an une classe dirigeante jugée corrompue et incompétente.
Le ras-le-bol populaire a été accentué davantage par la faible mobilisation de l’Etat après le drame pour venir en aide aux populations sinistrées, une tâche assumée principalement par la société civile, des ONG et des volontaires.
Antoine Assaad, habitant du quartier de Mar Mikhaël jouxtant le port et dévasté par l’explosion, n’en revient pas du manque de mesures de sécurité. Il rapporte les scènes de chaos jeudi.
« Ce qui s’est passé (jeudi) est une répétition du 4 août. Les gens ont vécu la terreur, ils se bousculaient en fuyant ».
L’importante quantité de nitrate d’ammonium était stockée depuis plus de six ans « sans mesures de précaution », de l’aveu même des autorités.
Les principaux dirigeants de l’Etat, en premier lieu M. Aoun et le Premier ministre démissionnaire Hassan Diab, avaient été avertis des dangers que représentait cette cargaison. Face à l’indignation populaire, les dirigeants se sont rejeté la responsabilité.
« L’incendie (de jeudi) ne peut en aucun cas être justifié », a estimé sur Twitter le Premier ministre libanais désigné Moustapha Adib, qui planche sur la formation d’un nouveau gouvernement, le précédent ayant démissionné dans la foulée de l’explosion.
L’entreprise BCC logistics, chargée de la gestion de l’entrepôt qui a pris feu, a rejeté toute responsabilité dans le nouveau drame, appelant dans un communiqué à « déterminer les causes de l’incendie », et disant se réserver « le droit de porter plainte ».