Après avoir imposé de lourdes sanctions au Mali, la Communauté des États ouest-africains (Cédeao) pourrait-elle bientôt les lever ?
À l’issue d’une nouvelle rencontre mardi 15 septembre, à Peduase, dans l’est du Ghana, les voisins du Mali ont insisté pour que la junte désormais au pouvoir à Bamako nomme rapidement des dirigeants civils de transition. La Cedeao avait donné aux militaires de la junte jusqu’à mardi pour désigner un président et un Premier ministre de transition qui dirigeraient le pays jusqu’à un retour définitif des civils. Ces dirigeants temporaires doivent eux-mêmes être des civils, demande-t-elle, alors que le Mali se divise profondément sur cette question et bien d’autres.
Presque un mois après le coup d’État militaire qui a renversé le 18 août le président Ibrahim Boubacar Keïta, soutenu pendant des années par la communauté internationale dans le combat contre les djihadistes mais déstabilisé par des mois de contestation intérieure, les militaires qui ont fait le déplacement de Peduase derrière le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, n’ont rendu public aucun nom de président ou de Premier ministre à l’approche de l’expiration de l’ultimatum.
La Cédeao renverra son médiateur, l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, à Bamako la semaine prochaine et le président ghanéen a émis l’espoir que la junte aura accédé d’ici là aux exigences de la Cedeao, lui permettant de lever les sanctions. « Nous espérons que nous parlons de jours et non de semaines », a-t-il ajouté.
Et le temps presse, la Cédeao a infligé le 20 août au Mali un embargo sur les flux financiers et commerciaux. Ces mesures inquiètent dans un pays en proie à un profond marasme économique, en plus des agissements djihadistes et des violences intercommunautaires. L’organisation ouest-africaine s’inquiète d’un surcroît d’instabilité dans un Sahel gagné par la propagation djihadiste, et du mauvais exemple régional que donnerait une junte maintenue durablement au pouvoir.
La junte, soucieuse d’une « refondation » de l’État, a promis de restituer les commandes aux civils à l’issue d’une période de transition. Depuis des semaines, les Maliens se divisent sur la durée de cette période et sur qui la dirigera, civil ou militaire.
Le président serait flanqué d’un vice-président chargé des questions de défense et de sécurité, un poste volontiers considéré comme taillé sur mesure pour le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta.
Les militaires ont validé cette charte à l’issue de concertations avec un certain nombre d’acteurs politiques et de la société civile la semaine passée. Mais le document est contesté comme un fait accompli par le Mouvement du 5 juin.
Cette coalition hétéroclite a fait descendre des milliers de Maliens dans la rue pendant plusieurs mois contre le pouvoir en place, canalisant l’exaspération des Maliens. Des militaires ont fini par déposer l’ancien président Keïta le 18 août. Le M5 réclame d’être placé sur un pied d’égalité avec la junte à l’heure de la transition.
Mais les divisions dépassent largement la junte et le M5.
Les partisans d’une transition longue confiée aux militaires arguent du temps et de l’autorité nécessaires pour créer les conditions d’un redressement dans un pays au bord du gouffre.
La Cédeao avait jusqu’alors réclamé que la transition n’excède pas 12 mois. Le président ghanéen n’a pas explicitement reformulé cette demande devant les journalistes, mais a pris acte que les Maliens s’étaient entendus sur des processus de transition.
Le colonel Goïta a dit à ses interlocuteurs qu’il devait à présent « rentrer et consulter tous ceux à qui la décision appartient et obtenir leur accord », a dit le chef de l’État ghanéen. La junte n’a fait aucun commentaire public sur les discussions de Peduase.