Les gigantesques incendies qui ravagent depuis plus d’un mois la côte ouest des Etats-Unis commencent à peser lourd sur les épaules de pompiers épuisés, dont la tâche titanesque est rendue encore plus compliquée par la pandémie de coronavirus.
Lundi encore, plus de 19 000 pompiers combattaient 27 «incendies majeurs» en Californie. Pour l’un deux, Darrell Roberts, chef de bataillon avec vingt ans d’expérience, il ne fait pas de doute que c’est le changement climatique qui est à l’oeuvre.
«Lorsque les ressources sont au plus bas et que tous les pompiers sont littéralement déployés sur le front, avec d’autres venus de tous les Etats-Unis et même d’autres pays, on sait qu’on est en terre inconnue», affirme à l’AFP Darrell Roberts, de retour d’une mission de trois semaines au coeur des forêts en flammes.
«Nous n’avons jamais vu de tels incendies auparavant», assure ce vétéran.
L’ampleur des feux, qui ont déjà dévasté plus de 20 000 km2 et tué plus de 30 personnes cette saison sur la côte ouest, remet en question les techniques traditionnelles de lutte contre les incendies, poussées à leur extrême limite, selon Darrell Roberts.
A cela s’ajoutent les contraintes sanitaires liées au Covid-19.
«Ça met une énorme pression sur les pompiers, car notre boulot est de sauver des vies, et maintenant nous devons en outre penser à nous protéger nous-mêmes», explique-t-il.
Les responsables des secours ont dû adapter la configuration des camps de base pour minimiser les risques de contagion, et beaucoup de pompiers ont même apporté leur propre tente individuelle par sécurité.
«Durant les sept derniers jours passés à combattre les feux, on faisait vraiment du camping», raconte Darrell Roberts, qui vit dans le sud de la Californie avec sa femme et ses deux enfants.
«Imaginez un peu: vous venez de passer 24 à 36 heures à lutter contre les flammes, il fait chaud, avec des températures qui dépassent 38°C, et vous vous retrouvez dans une tente pour vous reposer avant d’y retourner», insiste-t-il.
Avec la multiplication des incendies, qui se déclarent fréquemment dans des zones escarpées et inaccessibles, les secours doivent souvent rouler, voire marcher, pendant plusieurs heures pour les atteindre, puis refaire le trajet en sens inverse une fois leur service terminé.
Epuisés, ils doivent pourtant encore consacrer une partie de leur temps de repos à réparer et nettoyer leur matériel.
La fatigue est aussi psychologique, avec le danger, les scènes de destruction et en prime l’éloignement de la famille. «Sur un feu cet été, nous avons eu un capitaine qui devait discuter au téléphone avec sa femme et ses deux petites filles de la façon d’euthanasier un de leurs animaux de compagnie qui était mourant», se souvient Darrell Roberts.
«Pour les épouses et les enfants malades, les anniversaires, on ne peut pas toujours être présent… On passe à côté de moments précieux avec nos familles, et ça ne se rattrape pas», lâche l’officier.
Ce stress se traduit par un taux de dépression et de suicide plus élevé que la moyenne chez les pompiers américains, qui ont statistiquement plus de risques de mettre fin à leurs jours que de périr en mission.
Pour Darrell Roberts, membre de l’Association internationale des pompiers, l’ampleur historique des feux de forêts en cours, qui devraient se poursuivre jusqu’à la fin de l’année, va malheureusement devenir la norme.
«Chaque année, les températures augmentent, on bat de nouveaux records et ça devient de plus en plus sec. Voilà ce que je sais en tant que pompier qui est sur le terrain depuis vingt ans», dit-il.
«Le changement climatique a un impact direct. C’est évident pour moi. Et on n’en voit pas le bout», conclut-il.