Le Kremlin a qualifié d' »aveu de faiblesse » les sanctions décidées vendredi par les dirigeants de l’UE contre le régime au pouvoir au Biélorussie, qui épargnent toutefois Alexandre Loukachenko, et qui ont conduit Minsk à annoncer des mesures en rétorsion.
Les Vingt-Sept se sont aussi accordés sur un message de fermeté assorti de menaces de sanctions à la Turquie à l’issue d’âpres négociations. S’attirant une rebuffade d’Ankara, qui a jugé « pas constructif l’usage continu d’un discours de sanctions ».
A l’issue de la première journée de sommet, le président du Conseil européen Charles Michel a annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi que les dirigeants européens avaient « décidé la mise en oeuvre des sanctions contre les responsables de la répression (de l’opposition politique) en Biélorussie ».
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Ces sanctions, qui seront « effectives dès vendredi », gèlent les avoirs dans l’UE des personnes concernées, qui sont également interdites d’entrée sur le territoire de l’Union. Le président Alexandre Loukachenko ne figure pas sur la liste, qui comprend « une quarantaine de noms », mais cette dernière n’est pas fermée, a précisé M. Michel.
« Si ça se durcit, on ne s’interdit pas de mettre M. Loukachenko sous sanctions », a abondé le président français Emmanuel Macron.
Ces sanctions étaient réclamées par l’opposition bélarusse qui rejette le résultat de la présidentielle du 9 août. Le ministère biélorusse des Affaires étrangères a répliqué en annonçant vendredi une liste de sanctions contre l’UE, sans autre précision.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a quant à lui estimé que les sanctions de l’UE contre Minsk étaient une « preuve de faiblesse plus que de force » de la part des Européens, tout en jugeant « positif » qu’Alexandre Loukachenko ne soit pas personnellement visé.
Pour Eric Maurice, de la Fondation Schuman, ces sanctions sont « un geste politique pour montrer le soutien de l’UE à la protestation en Biélorussie tout en évitant d’insulter l’avenir: ne pas provoquer la Russie, ne pas braquer Loukachenko et laisser la porte ouverte à un dialogue pour une nouvelle élection ».
Le principe de sanctions avait été approuvé il y a plusieurs semaines, mais l’unanimité des Vingt-Sept était requise pour leur mise en oeuvre. Or, Chypre conditionnait son accord à une prise de position ferme de l’UE contre les violations de ses eaux territoriales par la Turquie.
Le président chypriote Níkos Anastasiádes, qui a obtenu gain de cause après plus de sept heures de discussions, a exprimé « sa satisfaction », tout comme le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, au deuxième jour du sommet qui s’est achevé vendredi.
Dans ce conflit en Méditerranée orientale, où la Turquie, la Grèce et Chypre se disputent des gisements d’hydrocarbures, l’UE a adopté une double approche vis-à-vis d’Ankara: améliorer certaines coopérations et relancer l’union douanière mais à condition que la Turquie cesse ses forages illégaux dans les eaux de Chypre, a expliqué Charles Michel.
« Si Ankara poursuit ses actions illégales, nous utiliserons tous les instruments à notre disposition », a averti Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. La Commission a été chargée d’élaborer des sanctions économiques et elle sont prêtes à être « utilisées immédiatement », a-t-elle précisé.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a été invité à « saisir cette offre » et les dirigeants de l’UE sont convenus de juger « avant la fin de l’année si des développements positifs ont été enregistrés », a précisé Charles Michel.
« La solidarité à l’égard de la Grèce et de Chypre (…) est non négociable », avait prévenu Emmanuel Macron.
La chancelière allemande Angela Merkel a toutefois souligné que l’UE « a beaucoup d’intérêt à développer une relation réellement constructive avec la Turquie, malgré toutes les difficultés ».
Signe d’une volonté d’apaisement de la part d’Ankara, un accord a été trouvé jeudi à l’Otan entre la Grèce et la Turquie sur un mécanisme pour éviter les conflits.
Les tensions avec Ankara ne sont pas apaisées pour autant: visant implicitement la Turquie comme la Russie, les dirigeants européens ont condamné « toute ingérence » dans le conflit au Haut-Karabakh, un territoire azerbaïdjanais soutenu par l’Arménie et théâtre d’affrontements meurtriers.
Emmanuel Macron a affirmé disposer d’informations sur la présence dans cette région de « 300 combattants syriens de groupes jihadistes » ayant transité par la Turquie: il a réclamé « des explications » au président Erdogan et appelé l’Otan à « regarder en face » les actions d’Ankara, membre de l’alliance.