Les drones kamikazes, l’atout médiatique de Bakou

Les vidéos de propagande azerbaïdjanaise vantent les frappes de ses drones armés au Haut-Karabakh, contre des blindés et systèmes anti-aériens arméniens, mais s’ils offrent bien un atout tactique et un avantage de communication, l’impact réel de ces appareils sur l’issue de la bataille doit être relativisé.

Bakou possède dans son arsenal un nombre indéterminé de drones légers de facture israélienne, dont le petit «drone tueur» Harop, qui détruit les cibles en plongeant sur elles, qui mais aussi des drones de combat turcs MALE (medium altitude, long endurance) TB2 Bayraktar, déjà déployés en Syrie et en Libye par Ankara.

Outre les frappes qu’ils mènent, ces drones servent aussi à marquer des cibles qui sont ensuite visées par l’artillerie.

«Nous avons l’une des flottes (de drones) les plus puissantes de la région. Parmi eux, nous avons les Israéliens, y compris des drones de reconnaissance et d’attaque et les drones kamikazes Harop, (qui) se sont avérés très efficaces», faisait valoir fin septembre le conseiller présidentiel azéri Hikmat Hajiyev dans un entretien à la presse israélienne.

Quant aux «drones armés de haut niveau de la Turquie, (ils) ont permis de réduire les pertes humaines» et «nous ont offert de belles possibilités», s’est récemment félicité le président azéri, Ilham Aliyev, sur la chaîne de télévision turque TRT.

L’Arménie, elle, a développé au début des années 2010 son propre système de drone de reconnaissance, le «Krunk», mais dont les performances restent bien modestes par rapport aux appareils dont dispose Bakou.

En outre, les systèmes de défense anti-aérienne de courte portée des forces arméniennes «ont pour la plupart été conçus pendant la Guerre Froide», or «les drones légers sont petits, lents, et ont souvent une signature thermique très faible par rapport aux avions à réaction, ce qui complique leur suivi», souligne Samuel Cranny-Evans, analyste chez Jane’s Group, un centre de réflexion sur les questions de sécurité.

Malgré tout, l’ascendant azéri dans ce conflit en matière de drones, très médiatisé, ne doit pas amener à exagérer la portée réelle de ces avions sans pilote sur l’issue de l’affrontement dans le Haut-Karabakh, préviennent les experts.

«Dans ce conflit, on a une vision partiale du drone, qui remplit plusieurs fonctions: la première, assez classique, relève d’opérations d’influence, de guerre de l’information. Il s’agit de montrer à l’autre qu’on a une maîtrise technologique», commente Joseph Henrotin, chercheur en stratégie et rédacteur en chef du magazine français DSI, spécialisé dans les questions de défense et d’armement.

Mais «au-delà du narratif +high-tech+, il faut se rappeler que le drone, comme l’artillerie, ne conquiert pas de terrain. Le drone suicide ou le drone en appui de l’artillerie vont permettre de faciliter les opérations de conquête mais ces dernières continuent à s’appuyer sur des formes classiques d’opérations, avec blindés mécanisés et infanterie», souligne-t-il.

«Pour des motifs de propagande, le TB2 turc offre l’avantage de disposer d’une capacité de tournage qui peut être aisément transféré sur n’importe quel ordinateur fonctionnant sous Windows. Cela permet au Ministère de la défense azéri de rendre public tout +succès+ contre les forces arméniennes et d’offrir ainsi son propre récit», abonde Samuel Cranny-Evans.

Et si les drones turcs Bayraktar TB2 «offrent certes aux forces azéries une série d’effets dont elles ne disposaient pas lors de précédents affrontements», leur usage à lui seul «ne change pas véritablement la donne sur le terrain» et «n’empêche pas les pertes humaines côté azéri, comme le montrent les images diffusées par le Ministère de la défense arménien», note l’analyste.

«Le drone donne un avantage, mais dans l’histoire de la guerre il ne constitue pas vraiment une rupture, même si c’est très embêtant à contrer. In fine, quand il s’agit de prendre des villages, il faut des hommes», conclut Joseph Henrotin.

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