Le parquet demande la requalification des faits de « viol » en « violences volontaires » contre Théo

Le parquet de Bobigny a demandé que trois policiers soient jugés par une cour d’assises pour «violences volontaires» à l’encontre de Théo, jeune homme noir d’Aulnay-sous-Bois, grièvement blessé lors de son interpellation en 2017.

En 2017, l’affaire Théo avait relancé le débat autour des violences policières: plus de trois ans après, le parquet de Bobigny a indiqué mercredi avoir demandé que trois policiers soient jugés par une cour d’assises pour «violences volontaires» à l’encontre de ce jeune homme noir d’Aulnay-sous-Bois, grièvement blessé lors de son interpellation, rapporte BFMTV.

Des caméras de vidéosurveillance avaient filmé la scène, en février 2017, à la cité des 3.000 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Alors que des policiers tentent de l’interpeller, Théodore Luhaka, 22 ans, se débat puis s’effondre. Gravement blessé par un coup de matraque télescopique au niveau de la zone anale, le jeune homme gardera des séquelles irréversibles.

En 2019, une expertise médicale a conclu à une «infirmité permanente» causée par des lésions «en relation certaine et directe» avec son interpellation, qui se traduit par une incontinence demandant une prise en charge quotidienne.

C’est parce que Théo est désormais handicapé à vie que le parquet de Bobigny a requis la comparution de trois policiers devant les assises, juridiction pénale compétente pour juger les crimes.

Des quatre policiers mis en examen après ces faits retentissants, il a estimé que l’agent principalement mis en cause devait comparaître pour «violences volontaires avec arme par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une mutilation ou une incapacité permanente partielle».

Son réquisitoire définitif, rendu le 23 septembre, écarte toutefois la qualification de «viol aggravé» contre ce fonctionnaire, estimant que «les éléments constitutifs du crime de viol n’étaient pas réunis».

Le parquet a, par ailleurs, requis le renvoi en procès de deux autres policiers de «violences volontaires en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique», délit habituellement passible du tribunal correctionnel, et un non-lieu pour le quatrième agent mis en examen.

Cinq jours après les faits et leur retentissement national, Théo Luhaka avait reçu la visite à l’hôpital de François Hollande, alors président de la République. Sur son lit d’hôpital, le jeune homme avait lancé un appel au calme, après des tensions lors de rassemblements de soutien.

L’avocat de Théo Luhaka, Antoine Vey, s’est dit «satisfait que le parquet confirme que Théo a été victime de faits criminels commis par des policiers en réunion».

«C’est un soulagement de voir qu’en dépit des pressions nombreuses subies pendant la procédure, l’affaire n’ait pas été enterrée. Théo a été la cible, médiatiquement, de nombreuses attaques des syndicats de police, je me réjouis que le parquet ait eu une position indépendante et claire», a-t-il dit à l’AFP.

En parallèle, en septembre 2018, Théo Luhaka avait été mis en examen dans une affaire d’escroquerie. La justice soupçonne l’existence d’une vaste fraude portant sur des centaines de milliers d’euros d’aides publiques octroyées dans le cadre du dispositif des «emplois d’avenir», mis en place sous le gouvernement Hollande. Au coeur de cette affaire, une association de médiation, «Aulnay Events», présidée par un frère aîné de Théo, Mickaël Luhaka, lui aussi mis en examen.

Si la juge d’instruction décide de suivre les réquisitions du parquet et d’ordonner la tenue d’un procès, «l’opinion publique va pouvoir prendre connaissance du fait qu’il n’y avait aucune justification à cette interpellation et qu’il s’agit en fait d’une agression extrêmement violente et humiliante», estime Me Vey.

«On n’a jamais voulu faire le procès de la police, il y a des policiers bien et des « pas bien », ce qui compte c’est que les « pas bien » soient sanctionnés. Quand on entend des politiques dire qu’il n’y a pas de violences policières, on se réjouit que le parquet prenne de telles réquisitions», ajoute-t-il .

Sollicités par l’AFP, Frédéric Gabet et Daniel Merchat, qui représentent deux des policiers mis en cause, n’ont pas souhaité commenter la décision du parquet Bobigny.

Le juge d’instruction a désormais trois mois pour ordonner ou non la tenue d’un procès.

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